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3 avril 2020

Le Premier qui l'a dit (Mine vaganti) de Ferzan Özpetek - 2010

Mine_vaganti

Une fois n'est pas coutume, j'ai plutôt apprécié ce petit film qui faisait pourtant tout pour m'être antipathique. Son caractère bon enfant, son humour gentil et sa douce mélancolie avaient tout pour me faire péter mon écran, mais vous me voyez aujourd'hui dans un bon jour, et j'ai trouvé du charme à la chose, mais oui. Dans la situation de départ déjà, aussi improbable qu'amusante : un gars qui a décidé de faire son coming-out devant sa famille très traditionaliste se voit griller la politesse par son frère, la nouvelle provoquant l'ire puis un infarctus chez son paternel. Deux fils atteints de la même "maladie" pouvant définitivement le faire passer ad patres, le garçon décide de ne rien dire et d'obéir aux injonctions familiales : gérer l'usine de pâtes en bon patron, dragouiller la bombe du coin, et ensevelir sous l'oubli ses réelles tendances d'écrivain et d'homo. Mais peut-on longtemps laisser enterrée sa nature profonde ? C'est la question que notre héros va se poser, et avec lui toute sa famille, dont tous les membres vont se découvrir des élans de jeunesse inavoués, des ambitions étouffées dans l'oeuf, des secrets tus. Sous couvert d'une comédie vitaminée et enlevée, Öztepek pose des questions graves, rendues d'autant plus fortes qu'elles se situent dans l'Italie moderne et rurale, encore très arriérée au niveau de la libéralisation des moeurs. C'est assez touchant de voir notre Tommaso se débattre avec ses vrais élans et finir par se convaincre que son homosexualité n'est peut-être qu'une passade, que son goût pour la poésie est peut-être un caprice, et qu'il est finalement fait pour être un capitaliste hétéro... avant de craquer dès que son amant vient le voir. Subtilement, le film dévoile peu à peu les secrets de chacun, avec humanité et tendresse. On aime particulièrement le personnage de la tante à la libido exacerbée, cachant ses amants et son alcoolisme alors que tout le monde est au courant ; ou ce père un peu pathétique, obnubilé par sa bonhomie de surface et sa virilité toute italienne, dont le masque se fissure peu à peu. Moins, c'est vrai, la grand-mère, un peu trop forcée dans le trait avec son amant inavoué et son diabète qui finira par l'achever (scène pour le coup assez ridicule).

loose_cannons__2010_9611

Le film est gai (sans jeu de mots), accumulant les séquences rigolotes : les potes romains à l'obédience sexuelle évidente qui font tout pour passer pour des hétéros purs et durs, des disputes homériques devant les yeux médusés des bonnes, un père désespéré qui balance son rire absurde dans toute la ville pour montrer sa bonne humeur, ou cette dernière séquence assez émouvante où tous les âges, toutes les tendances, tous les personnages se rejoignent autour d'une danse, et où on sent bien que Tommaso, ça y est, arrête de masquer les choses et s'accueille enfin comme il est vraiment. Le film serait seulement ça s'il n'était en plus parfaitement joué par une bande de comédiens en osmose (ça joue ensemble), drôles et touchants, et si Öztepek ne savait aussi bien les diriger et n'avait un regard aussi bienveillant sur chacun d'eux. Ça n'est pas grand-chose, ça ne révolutionnera pas le cinéma mondial, c'est même parfois tellement léger que ça en devient inexistant, c'est même souvent assez agaçant dans sa mise en scène (la nouvelle façon de filmer : caméra toujours, mais toujours, en mouvement), mais la tendresse toute simple qui en émerge est tout à fait délicieuse. Je vous propose donc de ne pas faire la fine bouche pour cette fois et d'entonner en choeur les louanges de cette minuscule chose de printemps.

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