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25 mars 2020

Utøya, 22 Juillet (Utøya 22. juli) d'Erik Poppe - 2018

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Après 1917, on continue dans l'exploration de ces films un peu gadgets filmés en un seul plan-séquence. Autant le procédé était inutile, voire légèrement crapoteux, dans le film de Mendes, autant là, on comprend la pertinence du plan-séquence. Il s'agit en effet de recréer le plus précisément possible l'attaque terroriste qui a eu lieu sur l'Île d'Utøya en Norvège, véritable massacre opéré par un seul homme et qui fit tout de même 70 morts et des centaines de blessés. Le tueur ayant opéré pendant 80 minutes, le film, grosso modo de la même durée, accepte parfaitement l'idée du plan-séquence : il s'agit de nous immerger, sans recours aux "artifices" du cinéma (montage, alternance de points de vue) dans l'expérience vécue par ces jeunes dans le temps où ça s'est déroulé. Voilà qui différencie nettement le travail de Poppe de celui de Greengrass sur le même sujet : Greengrass, tout aussi attentif à la vérité, a voulu retracer toute l'histoire, du début jusqu'au procès de Breivik, mais s'est laissé aller à un mélodrame dommageable, et était très flou au niveau des points de vue (la fameuse question : d'où tu parles ?) ; Poppe, lui, choisit clairement de se concentrer sur les minutes du massacre, pas plus, choisit son personnage narrateur (une jeune fille), et choisit un parti très net avec ce plan-séquence. C'est déjà ça.

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Malheureusement, ce parti pris butte très vite sur ses limites. Certes, on éprouve parfois concrètement l'horreur d'être pris dans cet enfer, les camarades qui tombent autour de vous, les cachettes dérisoires, les espoirs, la fuite tous azimuts, le poids des coups de feu, la terreur de voir quelqu'un mourir dans ses bras, ce genre de choses. Poppe est d'une honnêteté qui ne fait aucun doute, et a l'air de s'être précisément documenté avant de se permettre d'inventer ce personnage de jeune nana prise dans cet enfer, un peu trop héroïque peut-être mais en tout cas assez convaincante dans son jeu. Le but du film, tenter de nous faire éprouver concrètement ce que "ça" fait, est en majeure partie réussi, on passe de longues minutes terré derrière un arbre ou contre une falaise, on retient son souffle quand on zigague entre les tentes, pas de problème. Mais Poppe a du mal à se sortir de ce simple concept finalement pas très pertinent : son film est centré sur l'émotion, et seulement l'émotion, ne racontant rien d'autre que l'angoisse de se faire tirer dessus, n'en dégageant aucune leçon, aucun sens, aucune réflexion. Le tueur, résumé à une lointaine et rare silhouette n'existe pas assez pour qu'on frémisse vraiment, la plupart du temps les coups de feu paraissent abstraits, lointains, et cette gamine fuyant devant eux manque d'épaisseur (et c'est normal, le film est censé en prendre une, "au hasard", il ne fallait pas qu'elle soit une héroïne). Qu'elle se fasse descendre ou non nous importe peu finalement, et on se retrouve à regarder ça comme un survival ordinaire alors qu'on aurait dû y trouver de la profondeur, de la sensation directe, du poids. Comme en plus ce qui arrive à notre jeune victime est assez banal, voire un peu mélo (la partie où elle se cache avec un mec qui la drague malgré tout, avec échange de leurs projets de vie et tutti quanti), on a du mal à voit là-dedans autre chose qu'un simple exercice de style un peu bêbête, qui ne dit au final qu'une chose : ohlala ça doit être dur de se faire tirer dessus par un fou. Pas vraiment besoin d'un film pour nous le dire ; et pour ce qui est de nous le faire éprouver, Poppe y échoue faute de vrai talent.

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