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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
22 mars 2020

La Ligne de démarcation de Claude Chabrol - 1966

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Chabrol délaisse (déjà) ses inspirations Nouvelle Vague en cette année 66, et décide de rendre justice à une période de l'histoire finalement assez peu montrée : les années d'occupation de la France par les nazis. C'est tout à son honneur, et il s'en tire putôt pas mal, mais on remarquera que ce film manque assez cruellement de style, et qu'on cherchera un peu en vain le réalisateur libre et taquin des grands films passés ou futurs. Bon, tant pis : prenons ce film pour ce qu'il est, un portrait de la France profonde à l'heure des choix moraux. Le décor choisi est idéal pour ça : un village du Jura, partagé en son milieu par la ligne de démarcation, France libre d'un côté, France occupée de l'autre. Autour de ce pont symbolique, menant soit à la liberté soit à la honte, soit à la vie soit à la mort, s'agite une poignée de personnages représentant tous plus ou moins une posture morale face à l'ennemi : on a le vétéran blessé (Maurice Ronnet), désabusé, prêt à accepter l'occupant les dents serrées, du moment que ça n'attire pas d'ennuis ; sa femme (Jean Seberg), résistante de l'ombre, qui se démène pour saboter le travail de la Kommandantur installée chez elle ; le chirurgien (Daniel Gélin) qui oppose ouvertement son insoumission ; le lâche passeur, qui profite de la situation pour spolier des Juifs de leur argent avant de les dénoncer ; l'interprète qui pactise avec l'ennemi ; et tout le reste du village, constitué pour la plupart de résistants "ordinaires", toutes ces petites gens capables de prendre une décision dangereuse par honneur au dernier moment. Ça va être le cas lorsque deux parachutistes (dont le toujours parfait Jacques Perrin) sont balancés dans le village et traqués par les Boches : chacun va devoir dévoiler ses cartes et prouver sa valeur. Et ça n'ira pas sans quelques cadavres.

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C'est très classique dans la facture, mais Chabrol a suffisamment d'intérêt envers ses personnages pour qu'on ne s'ennuie pas une seconde dans ce portrait de la veulerie et du courage français. La période est plus puissante que d'habitude, mais finalement on peut penser que le cinéaste creuse sa veine de portrait rural et caustique qu'il poursuivra dans ses drames bourgeois des années 70. Il n'évite malheureusement pas toujours l'effet "catalogue" de sa galerie de personnages : le film est un défilé de stars et un défilé de personnages un peu limités à leur seule posture par rapport à la situation. Les scènes, trop décousues, ont du mal à former véritablement un film, et on assiste plutôt à une succession de tableaux indépendants, avec tous leur personnage principal. Chabrol n'évite pas toujours les poncifs de ce côté-là, par exemple dans l'éternelle rivalité entre l'instit (Jean Yanne) et le curé. Le tout culminera dans une scène finale ma foi tout en noblesse d'âme, et par une Marseillaise de bon aloi braillée par nos Français indignés. On n'y croit qu'à moitié, tout ça est un peu trop bien rangé pour être réaliste. Mais Chabrol utilise son goût Nouvelle Vague pour les décors extérieurs et la précision géographique pour filmer brillamment son lieu, ce petit village banal frappé par le drame : il utilise des figurants du coin et filme très joliment le territoire, aidé par la belle photo de Jean Rabier. C'est déjà ça de pris, et si on compte en plus le délicieux plaisir d'un film de propagande vintage et très bien fait, on apprécie ce petit Chabrol de commande.

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Commentaires
O
Jamais vu ce dernier. En cette période de confinement, je vous invite à chroniquer Betty, réalisé en 1992, et qui demeure pour moi un grand cru du réalisateur. Bonne séance !
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