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21 mars 2020

LIVRE : Quand arrive la Pénombre (Quan arriba la penombra) de Jaume Cabré - 2017

9782330130442Bien jolie découverte que ce recueil de nouvelles issu d'un auteur écrivant en catalan, et pour l'instant responsable de quelques pavés intimidants que je n'avais pas ouverts. J'ai eu tort, car voilà un auteur très loin du style régionaliste auquel le choix de sa langue a pu nous faire attendre, et qui pratique au contraire un style moderne et envoûtant, et aborde quelques sujets profondément ancrés dans la modernité. Ces 13 nouvelles n'ont a priori aucun rapport, et la note d'intention finale de Cabré nous le dit : elles ne sont que le résultat d'un travail parallèle à celui du roman, et quand ils trouvent qu'elles sont suffisamment bonnes, il les publie, point. Mais peu à peu se dégage un véritable fil rouge entre elles : chacune parle d'un tueur, chacune est le témoignage direct ou non d'un assassin. Si bien qu'on se dit que Cabré a peut-être voulu avec elle aller explorer les arcanes du Mal, dans toute son ambiguïté, dans tout son mystère. Ces textes presque policiers, renfermant souvent des surprises et des retournements de situation à tiroirs, s'amusant très joliment avec les points de vue et les croyances du lecteur, sont avant tout de grands moments de plaisir de polardeux. Non seulement parce qu'ils ne sont jamais réellement des textes de polar, parfois même totalement dépourvu de mystère (on sait souvent dès le départ qui a tué et pourquoi) mais aussi et surtout parce qu'ils jouent sur des attentes et des suspenses "parallèles" : Cabré s'intéresse aux valses d'identité, aux troubles qui saisissent les assassins ou leurs victimes au moment fatidique, aux obsessions des serial-killers, au mystère presque sensuel de l'acte, plus qu'aux cliffangers usés des enquêtes criminelles. Presque pas de flics d'ailleurs dans le livre, que des assassins. D'autre part le gars, peut-être par amour pour Borges dont on retrouve pas mal de traces par-ci par-là, aime plonger ses personnages funestes dans un bain de fantastique poétique qui éloigne définitivement ces histoires du polar pur et dur. La plus longue nouvelle par exemple, "Point de fuite", ne cesse de naviguer entre la trivialité d'un acte à accomplir (un meurtre) et la poésie du trouble qui s'empare d'un homme se retrouvant tout à coup à l'intérieur d'une peinture. Le texte renvoie subtilement à un autre texte placé avant, ce qui confirme la cohésion du recueil ; mais surtout il développe un univers étrange, où tout est possible, qui ouvre sur d'autres dimensions, ce qui, dans cet univers très concret du meurtre, forme un hiatus passionnant. Ajoutons quand même qu'au niveau du pur style, Cabré est excellent, à la fois très clair et fluide dans sa construction de phrases et tout à coup adepte d'une langue savante, érudite. L'humour n'est jamais absent de ces histoires souvent assez sadiques, un humour noir et un goût pour la surprise qui finissent de nous convaincre de la beauté de Quand arrive la Pénombre.

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