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20 mars 2020

Racetrack de Frederick Wiseman - 1985

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Petite pause dans son catalogue des lieux infernaux pour Frederick Wiseman, qui choisit cette fois-ci un endroit plus reposant et bucolique que les hôpitaux psychiatriques ou les prisons d'Etat : le milieu des courses hippiques, qu'il va filmer avec tout autant de précision et de sobriété que les autres. Depuis la naissance du petit poulain jusqu'aux grandes courses, depuis le boulot du maréchal-ferrant jusqu'aux tractations commerciales entre propriétaires, on va dont suivre toutes les étapes de la vie de ces canassons chouchoutés et glorifiés, mais aussi un peu "chosifiés" par ces messieurs-dames à casquettes à damiers ou à bombes rembourrées. Même si le film est moins grave, moins sérieux même croirait-on, que les quelques obus qu'il nous a servis jadis, on note que le bougre a toujours l'oeil pour capter les brutalités de l'existence, quelles soient physiques ou sociales. Dans un noir et blanc toujours sobre, sans aucun ajout de commentaire, par la seule force du montage et de la place de la caméra, il montre par exemple l'opération de la patte d'un cheval, dans l'ordre, le patient travail pour le faire coucher, l'anesthésie, la chirurgie, le réveil, la remise en forme ; les images sont toujours aussi crues, présentées dans leur plus simple appareil, qu'il s'agisse de montrer la beauté d'un poulain ou l'incision d'un muscle pour visser une plaque dans l'os. Les chevaux, même s'ils sont respectés par leurs propriétaires (le regard fasciné qu'ils portent sur eux lors du défilé), sont bien souvent soumis à rude épreuve, entre passage chez le dentiste (une grosse lime en guise de brosse à dents) et accouchements. Mais les hommes ne sont pas oubliés dans leur triste sort : on découvre avec intérêt le petit, tout petit, monde des jockeys, un univers étrange de nains, que Wiseman s'interdit d'interviewer, et qui sont d'ailleurs comme privés de parole. Certes ils ont les podiums, mais bien peu de reconnaissance de la part d'un public plus fasciné par leurs montures que par eux.

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D'un autre côté, Wiseman a l'air de se montrer plus positif dans son portrait des classes sociales, thème qui court dans tous ses films. Ici, tout le monde se côtoie, femmes et hommes, pauvres et riches, noirs et blancs, jeunes et vieux, tous guidés par l'appât du gain et la beauté des canassons. Le film réussit quelques très beaux plans fixes sur ces parieurs en goguette, rassemblés dans un même lieu sans que ça semble poser problème. On se dit que ce film-là pourrait être celui d'un Wiseman enfin réconcilié. Mais bien vite il nous montre son vrai visage : malgré le côté oecuménique de son lieu, on se rend compte qu'il s'agit toujours et encore de pauvres qui regardent les riches, les parieurs pour la plupart un peu prolos qui regardent les propriétaires aisés. C'est pas à un vieil indigné qu'on apprend à faire la grimace. Bon le film est plaisant, mais pas complètement réussi et un peu mineur dans la carrière du sieur. Le dernier tiers, notamment, m'a paru un peu hors-sujet, avec cette cérémonie religieuse et cette fête d'hommage à un vieux turfiste qu'on aurait pu voir tout aussi bien dans un autre film. On s'ennuie un peu, peut-être parce que les champs de course sont un lieu moins fantasmatique, moins secret, que ceux choisis habituellement par le compère. Nonobstant, montage, mise en scène, photo, tout est impeccable.

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