Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
6 mars 2020

Flamme et Femme (Honô to onna) (1967) de Kijû Yoshida

vlcsnap-2020-03-06-12h16m55s324

vlcsnap-2020-03-06-12h17m40s887

Yoshida est définitivement un des plus grands "cadreurs" (plus que metteurs en scène, oserais-je) et monteurs de son temps. Il parvient en effet à chacun de ses récits par nous émerveiller par sa réflexion sur les angles de prise de vue et par sa déconstruction du récit. Au départ, une histoire simple : un couple vient d'avoir un enfant. Enfin pas si simple. Puisque le père est stérile, voire impuissant... Puisque le père naturel serait le meilleur ami du couple... Puisque la femme d'icelui (stérile également) lorgne également sur le gamin... Bref, derrière l'image de ce petit couple heureux au départ ne cesse de se cacher des loups et une foule de questions en découle : qui est le « vrai » père ? Qui serait la meilleure mère ? Et patiti et patata... Le problème c'est qu'un enfant ne choisit jamais sa famille... et qu'on ne choisit jamais non plus vraiment son enfant. Mais Yoshida a le tact pour ne pas aborder frontalement ses questions, montrant chacun de ses personnages en proie aux doutes, aux questionnements : tout y passe, leur peur, leur désir dans cette relation à quatre étonnamment complexe. Déconstruisant son récit façon puzzle en insérant le plus limpidement possible les flash-backs, il nous renvoie l'image d'un couple totalement écartelé qui va tenter, se dit-on, de chercher à se reconstruire en essayant de passer outre les multiples problèmes soulevés par la naissance de ce gosse.

vlcsnap-2020-03-06-12h18m22s756

Il faut s'accrocher, je dis pas, d'autant que les deux héros masculins ont une fâcheuse tendance à se ressembler (ou disons, qu'on a un peu de mal à les dissocier au départ, je suis pas super fort en physionomie ceci dit...). On navigue pendant une bonne partie du récit entre cette décision prise dans le passé par les parents du gosse de pallier à la stérilité du père et la disparition du gosse au présent de narration (qui l'a pris ?). Peu à peu, divers facettes chez chacun de ces individus sont exposées (l'amour du père pour son gosse et sa jalousie envers le père naturel, les fantasmes de la mère qui a l'air quelque peu ennuyée finalement par la présence de ce gosse, les errements du père naturel, la jalousie de la femme d'icelui qui lorgne et sur le gosse et sur son père). Bref, tout un réseau de sentiments, d'émotions se tissent autour de ces quatre individus - comme si la naissance de ce gosse avait fini par faire exploser tous leurs repères, toutes leurs convictions... Il faudra du temps, pour que chaque pièce trouve sagement sa place dans le tableau d'ensemble. On est un peu décontenancé, avouons-le, par cette construction un peu labyrinthique mais cela est compensé par le plaisir qu'on prend, à chaque scène, devant l'originalité de chaque plan, devant le soin pris par l'auteur pour placer au micron près sa caméra (cadre dans le cadre dans le cadre - et j'en passe) : une façon d'isoler chacun de ses personnages dans sa bulle, dans sa cage (les métaphores filées sur la vie des oiseaux fusent), dans ses illusions, dans ses contradictions et également dans sa difficulté à communiquer avec son "vis-à-vis" (chaque élément du couple semble plus à l'aise, plus libre, avec un élément de l'autre couple). Cette petite machine sur la paternité ou la maternité (sans que Yoshida cherche à particulièrement théoriser la chose ; il lance surtout des pistes sur le choc ressenti par chacun des intervenants dans ce processus particulier de "conception") va son chemin et finit par aboutir sur une conclusion plus sereine, dédramatisée (avec un gamin loin de se douter (heureusement) des affres du doute ressenti par ses deux parents officiels). Une petite merveille sur la forme (des images à la narration), une bien beau sujet d'étude dans le fond. Maître Yoshida.

vlcsnap-2020-03-06-12h19m11s715

vlcsnap-2020-03-06-12h20m35s992

Commentaires
Derniers commentaires