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28 février 2020

Moments choisis des Histoire(s) du cinéma de Jean-Luc Godard - 2000

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La quintessence du meilleur film de Godard par Godard lui-même, autant dire que c'est cadeau. Nous voilà repartis pour un petit tour dans les méandres archéologiques de la mémoire godardienne, pas seulement celle concernant le cinéma d'ailleurs, mais aussi la littérature, la peinture, la musique. Archéologie semble être le bon mot pour désigner ce magma d'impressions, de souvenirs, d'émotions, de pensées, d'images, de sons, de sensations fugaces et de bribes de poésie : il y a quelque chose de l'ordre de la fouille dans ce film minéral, et on sent bien que le cerveau de Godard se livre à des résurgences fossiles enfouies depuis bien longtemps dans son cortex (et tant pis si cette phrase ressemble à du Thiéfaine). Directement branchés sur l'inconscient, sur le cerveau, sur la pensée godardienne, nous voilà littéralement plongés dans un bain d'images et de sons, et comme pour le long métrage dont il est tiré, ce film se regarde comme une longue litanie de motifs, parfois parlante, parfois absconse, mais toujours, à chaque minute, pertinente. En se livrant ainsi à une relecture de son chef-d'oeuvre, la faisant passer de 5 heures à 1h20, JLG ne se contente pas de prendre des extraits qu'il monte sans effort : on a là une nouvelle vision du Grand Oeuvre, une façon plus nerveuse et plus rapide de voir les choses. Si toutes les parties de la série originelle y sont, dans l'ordre, on voit mieux, à travers ce "résumé", les hantises et les pensées de l'auteur à cette époque, quels chapitres lui sont plus chers. En un mot, c'est une merveille.

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Notre Godard acte une nouvelle fois la mort du cinéma à travers une élégie poétique, faite de correspondances entre les plans, les photogrammes, les sons et les textes. Le travail de trituration de la pellicule est impressionnant : le gars inscrit des images à l'intérieur des images, par le plan subliminal parfois (retrouvant ainsi la technique primaire du cinéma), par l'incursion de plans sur un autre plan, par un montage frénétique qui semble ne jamais vouloir s'arrêter. Par ce mouvement fluide et à la fois heurté, le gars tresse un véritable processus de liens de plans à plans, par-delà les genres, les pays et les années : une image de Dreyer peut parler avec une image d'Aldrich tout en entrant en résonnance avec un tableau de Rembrandt. Ajoutez à ça la voix off sépulcrale de Godard, souvent inaudicle, hâchée par les sons des films ou la musique ; ajoutez-y aussi les célèbres inscriptions de phrases sybillines, souvent elles aussi lisibles au bout de quelques secondes seulement, parfois complètement idiotes (les jeux de mots sont pleiade), parfois fulgurantes, et vous obtenez une sorte de toile 2.0, un méta-film sur l'art cinématographique en tant qu'art du XXème siècle, une bouleversante élégie aux disparus (Truffaut, Hitchcock, Rivette, Chaplin, Daney, la liste est longue), un testament douloureux (quand Godard mourra, c'est une bibliothèque qui mourra), une promenade chaotique au milieu de tous les films et tableaux qui l'ont marqué.

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Le maître s'y montre souvent savant jusqu'à l'abscons, et une bonne partie du fim échappe, en tout cas si on veut l'aborder intellectuellement, et non viscéralement comme je vous le suggère. Si on cherche un sens à tout ça, on en trouvera un, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, et les pistes sont légion : la mort du cinéma, la primauté d'icelui sur les autres arts, ses rapports avec l'économie ou le réel, le filmable et l'infilmable (toujours l'holocauste qui s'invite à la fête), l'iconographie du cinéma, la représentation en tant que témoin de l'Histoire, le pouvoir propagandiste des images, ce genre de choses. Le film est supérieurement intelligent, et même le ton parfois "donneur de leçons" de JLG passe comme de rien, tant ce qu'il énonce fait sens pour peu que l'on ait vu quelques films. On sent notre gars en intense réflexion, morale, politique, éthique, esthétique. Mais ces Moments choisis peuvent avant tout se regarder comme un poème parfois dadaiste, parfois surréaliste, parfois chamanique, parfois romantique, comme une déclaration d'amour à la fascination que peuvent exercer les images (et celles choisies vous rentrent immédiatement dans le cerveau : ça aussi, c'est admirable, le regard de JLG, sa façon d'attraper LE photogramme magique au milieu d'un film). Laissez-vous donc aller au flux, c'est mon conseil, et vous ressortirez de ces 80 minutes éboui et impressionné. Comme je le suis, éternellement, face à ce dernier grand génie.

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God-art the cult

Commentaires
O
Mais où l'avez-vous vu ? DVD ?
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