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20 février 2020

On l'appelait Roda de Charlotte Silvera - 2018

🎼 "Joe le Taxi, il va pas partout, il marche pas au soda", "Si on chantait, si on chantait, si on chantait lalalala", "J'ai plus d'appêtit qu'un barracuda, ba-rra-cu-da", "Il neigeu sur le Lac Majeu-euuuuur".

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Si vous chantez ces airs géniaux tous les jours sous la douche, c'est que vous êtes fan d'Etienne Roda-Gil, peut-être sans le savoir, puisque le bon bougre est l'auteur des ineffables textes de ces tubes, ainsi que de plusieurs centaines d'autres rengaines aussi sybillines que rentables pour Catherine Lara, Julien Clerc, Claude François, Vanessa Paradis, Johnny, Bob Marley (!) ou Sophie Marceau (!!). Charlotte Silvera, en tout cas, a l'air d'être fan elle-même, et décide donc d'aller filmer Roda et d'aller quêter sa bonne parole, dont il n'est pas avare. On l'appelait Roda est donc une sorte de longue (très longue, trop longue) interview où le gars est comme un coq en pâte et peut laisser libre cours à sa logorrhée parfois très pertinente, parfois juste fière d'elle-même. Il en ressort le portrait d'un homme libre et droit, qui a traversé cette carrière en étant bien conscient de la futilité d'écrire des chansonnettes mais aussi de l'importance de la musique populaire, et ayant aussi tenté quelques intrépides expériences : écrire des textes intellos pour Claude François, fabriquer un opéra révolutionnaire avec John Waters, ou se frotter libidineusement à une Vanessa Paradis allumeuse comme une chatte en chaleur, par exemple. De ce flot verbal ininterrompu surgissent quelques vraies beautés ("Il y a des chansons pour vivre, et des chansons pour mourir") et quelques passages très intéressants (quand il explique que la chanson incompréhensible sur les magnolias de C.François est une allégorie sur son père, où quand Julien Clerc relève qu'il n'est pas d'accord avec certains textes mais qu'il se met au service de leur auteur) ; mais souvent, le personnage s'écoute parler, balançant des formules et tirant sur sa clope avec un orgueil à peine dissimulé. Et comme Silvera le regarde comme un demi-dieu, il n'y a pas de raison qu'il s'en prive. Une scène est à ce titre un peu gênante : les deux marchent dans la rue côté à côté, Silvera lui balance quelques mots ("Et l'art ?", "Et la beauté ? " , "Et la poésie ?"), et le gars répond du tac-au-tac, par des phrases qui pourraient être inversées qu'elles seraient tout aussi vraies. C'est le souci avec lui visiblement : à la fois caché derrière ses interprètes et déifié par les mêmes, il joue sur un ambigü dedans-dehors, sur une frustration d'auteur génial et inconnu qui lui donne un air de petit malin assez pénible. Quand il sort "Pour moi il n'y a pas d'ego", on s'esclaffe...

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Ceci dit, le film recelle parfois de véritables petits moments de beauté qu'on aurait tort de bouder. Les témoignages de Waters et Clerc, précieux, intelligents, mesurés ; la relation de l'enfance catalane de Roda, et la lecture de sa propre oeuvre en regard de cette enfance ; l'écoute de tubes incontournables qu'on croit connaître par coeur mais qui prennent une autre saveur à l'aune des explications de leur auteur ("Alexandrie, Alexandra", "Utile") ; quelques accès de modestie de Roda, qui se fait très humble quand il parle de Gainsbourg ou de son amitié avec Mort Shuman ; les souvenirs de sa femme adorée ; et le décor de son appartement, véritable fouillis de souvenirs, de textes, de photos, qui dévoilent un solitaire nostalgique bien loin du libertaire désabusé qu'il croit être. Voilà des scènes qui font oublier les pénibles étalages avec Paradis ou les forfanteries du maître, et montrent un homme finalement aux prises avec ses contradictions (bourgeois mais anar, poète mais populaire, avide de célébrité mais caché), assez attachant, assez touchant, un homme, quoi. Pourquoi pas ce film certes trop fanatique mais sincère sur lui ?

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