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18 février 2020

J'ai engagé un tueur (I Hired a Contract Killer) d'Aki Kaurismäki - 1990

Hired a Killer 2

Pince-sans-rire, absurde et désespéré : voilà notre Aki, plus que jamais dépressivo-amusé dans ce J'ai engagé un tueur tout à fait aimable. Le film raconte en quelque sorte l'histoire d'un mec qui échappe à la mort alors que c'est lui-même qui la demande. Henri est un Français immigré à Londres, dans laquelle il exerce un minable boulot de bureaucrate. Licencié, il décide d'en finir. Mais une suite de malchance l'incite à engager un tueur pour le buter, car il est trop lâche pour le faire lui-même. A partir de là, tout tend à lui prouver que la vie vaut d'être vécu : il reprend la clope et l'alcool, rencontre l'amour, et finalement trouve dans ses tentatives pour échapper à son tueur la dose d'adrénaline qui le convainc de continuer à vivre. Une petite histoire absurde, qui pourrait être écrite par Buzzati ou Gogol, mais qui est indéniablement signée Kaurismäki par la dose de nonchalance et d'humour triste qu'il sait y mettre.

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Tout est pauvre dans cette vision désabusée de la condition humaine perdue dans le monde moderne : les décors de bureaux londoniens, les costumes du protagoniste, la petite musiquette (Joe Strumer est embauché, mais pour livrer une ou deux chansons feutrées), les réactions du héros. Rien ne semble avoir réellement d'importance, tout peut se passer comme ça ou différemment, dans un écheveau de plans tarabiscotés, tordus, dilatés et toujours fixes qui dessinent une véritable angoisse du monde moderne. Il faut dire que c'est Jean-Pierre Léaud qui joue le rôle, avec toujours cet inénarrable jeu faux, décalé, distancé qui le caractérise : Kaurismäki le voit ici comme une pauvre marionnette sans sentiment, sans affect. Qu'il soit poursuivi par un assassin ou frappé d'amour pour une Margi Clark hitchcockissime, qu'il confectionne un hamburger ou achète la corde pour se pendre, il ne se départit jamais de son air ahuri ; l'avoir placé ainsi en pays étranger (il parle anglais comme Shang chinois) et l'avoir dirigé dans un film de genre finalement (on pense parfois à Melville) est une grande idée qui fonctionne superbement, et on a l'impression que l'acteur est tout aussi dépaysé que son personnage. Les séquences où il pénètre dans les bas-fonds de Londres pour trouver un tueur professionnel sont à mettre dans les meilleures scènes de sa carrière. Dommage que le film n'aille pas beaucoup plus loin que ça (le monde est une horreur) et peine à exprimer autre chose que son atmosphère sordide et son rythme agréablement bluesy. Jamais hilarant mais toujours amusant, jamais angoissant mais toujours tristounet, J'ai engagé un tueur est un bon moment complètement déstabilisant, mais qui manque un peu d'envergure. Appelons ça de la sobriété, de la politesse, de la pudeur, et admirons ce film qui fait du déracinement sa saveur.

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