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8 février 2020

Adieu, Clarté d’Été (Saraba natsu no hikari) (1968) de Kijû Yoshida

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Film très "flottant" du gars Yoshida qui oscille entre romance constamment reportée et nostalgie nippone. Une femme, un homme se croisent au Portugal. Ils sont tous les deux originaires du Japon. C'est un pays qu'elle a quitté il y a 8 ans pour suivre son futur mari américain, c'est un pays qu'il a quitté le temps d'une escapade touristique. Les deux individus ne vont cesser de se croiser (Yoshida se plaisant à mettre et remettre en scène leur rencontre, comme pour mieux faire ressentir ce moment crucial, ce point de départ) dans divers pays européens (Espagne, France, Suède, Danemark, Pays-Bas, Italie...). De quoi sont-ils en quête ou à quoi veulent-ils échapper ? Il dit qu'il recherche "l'image d'une église" (j'y reviens) mais c'est avec elle qu'il veut passer tout son temps. Quant à elle, si elle est sur le point de divorcer, elle ne recherche pas forcément à faire de nouvelles rencontres. Elle ne repousse pas cet homme, elle couchera même avec lui à plusieurs reprises mais elle semble comme éternellement dans sa bulle. Plus il la retrouve (et pas par hasard, il connaît son itinéraire), plus ils se lient, plus elle le fuit... L'histoire, l'Histoire, serait incomplète si derrière cela ne venait planer l'ombre d'une ville, celle de Nagasaki : c'est dans un musée de cette ville qu'il a trouvé le croquis d'une église dessinée par les premiers arrivants européens - cette église, construite à Nagasaki mais depuis détruite, il est certain qu'elle est la reproduction d'une église existant sur le vieux continent. Il aimerait la voir, la visiter... Quant à notre jeune femme, elle fuit le souvenir de Nagasaki où elle a perdu sa mère, sa sœur... Ces deux êtres, marqués à jamais par cette ville martyre, vont-ils pouvoir loin d'elle construire quelque chose ? Pas forcément ...

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'Flottant" disais-je en introduction car on doit bien reconnaître qu'on reste longtemps dans une certaine incertitude. Si l'histoire d'amour prend forme, on sent bien que ce n'est pas forcément le sujet central du film. Nos deux êtres discutent, se livrent, voyagent mais leur âme tout comme leurs sentiments semblent quelque peu errés dans ces villes visités ; deux choses sont particulièrement évidentes à l’image : ces grandes villes, ces lieux touristiques dans lesquels ils se baladent, sont bien souvent déserts (à l'exception de Paris peut-être) ; on se demande parfois comment Yoshida a pu faire évacuer des quartiers entiers (en tournant sans doute parfois à l’aube ( ?)). Le second aspect marquant, c'est cette volonté de filmer souvent ces deux personnages de loin, en plongée, comme pour les faire apparaître comme deux points minuscules à l'écran, comme écrasés par ces bâtiments historiques, comme écrasés par le poids de l'Histoire. Les deux, on le comprend rapidement, sont en quête de repères sur ce continent étranger : un peu comme si, selon l'adage shanguesque (bientôt la saison des melons) ils cherchaient à se perdre (géographiquement) pour mieux se retrouver (personnellement). L'homme semble rapidement en prendre son parti : cette femme qu'il vient de rencontrer vaut pour lui toutes les églises du monde ; c'est pour lui rapidement clair à ses propres yeux : c'est elle qu'il est venu chercher ici (elle est sa promise, alléluia). Pour elle, cette histoire d'amour est loin d'être aussi évidente. Déracinée, traumatisée par son passé, sentimentalement instable (elle n'a rien de particulier à reprocher à son mari mais semble soulager de s’en séparer), elle a du mal à voir dans cette rencontre, dans cet amour possible une fin en soi... Dès qu'elle se rapproche de trop près de cet homme, elle lui échappe. Une « fuite en avant » qui se prolongera jusqu'au bout... Yoshida, par le biais de cette relation sentimentale qui ne veut pas dire son nom (en quelque langue que ce soit d’ailleurs), tente semble-t-il de démontrer d'évoquer le poids du passé, le souvenir pesant de cette tragédie inoubliable de Nagasaki... Ces deux âmes errantes tentent tant bien que mal de tendre vers un happy end qui semble, malgré leur bonne volonté, impossible… Un film étrange, mélancolique et sentimentale, qui malgré l'exotisme européen nous ramène toujours, en creux, au même point, à la même question : peut-on encore croire en l'amour dans cet ère post atomique ? Troublant et déroutant, yoshidien. 

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