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29 janvier 2020

Les Enfants de Nagasaki (Kono ko wo nokoshite) (1983) de Keisuke Kinoshita

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Hiroshima, souviens-toi. Nagasaki, aussi. C'est sous des augures papesques que le gars Kinoshita ouvre son récit - la visite du pape Jean-Paul II à Nagasaki pour célébrer la folie des hommes... Il sera d'ailleurs beaucoup question de religion dans cet opus de Keisuke qui tente semble-t-il de se raccrocher au ciel, une fois que celui-ci a pris feu. Oui, Jésus a bien été crucifié une seconde fois à Nagasaki, un sacrifice qui permettra de mettre fin à cette seconde guerre mondiale. C'est une vue de l’esprit que certains personnages du récit partage (le héros en particulier, docteur croyant) mais contestée par bribes ici ou là (la grand-mère, plus sceptique et terre-à-terre : quel intérêt de détruire des gamins innocents ? Tope-là la vieille). Mais bref, reprenons notre récit au début bien que ce dernier soit finalement connu : le 9 août 1945, à 11h02, il ne faisait pas bon mettre un cierge dans la cathédrale de Nagasaki... Avant cela, on suit notre petite famille phare : elle, femme au foyer, s'occupe des deux enfants cromignons ; lui, docteur, qui s'y connaît un rayon en rayon X, passe un peu sa vie à l'hôpital. Les nouvelles d'Hiroshima ne sont pas bonnes et il est décidé d'envoyer les deux enfants chez leur grand-mère, à la campagne, non loin de la ville. Et puis vint l'éclair fulgurant, les personnes foudroyées, celles déchiquetées, celles brûlées ou juste bêtement irradiées qui gagnèrent le droit de souffrir quelques heures de plus. C'est le carnage. La mère se consumera chez elle sur les ruines, le père parviendra miraculeusement à s'en sortir... Après Nagasaki, sur les cendres de cette civilisation détruite, le père, les enfants, la grand-mère, dans une cabane, tentent de (se) reconstruire après l'innommable. La douleur est là, la prière parfois aide, ou pas. Les enfants grandissent avec un motto : n'oublie ce qui s'est passé à Nagasaki...

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Le film baigne dans des couleurs marronnasses qui, à défaut de lui aller bien au teint, sont en adéquation avec cette histoire guère jouasse. Le petit rire léger des enfants qui s'ébrouent dans la rivière laissera bientôt la place à la consternation (des gamins réfugiés qui meurent dans leur maison), à la douleur (maman ne revient pas ?), aux larmes (elle est morte, partie en cendre, déjà prête à l’urne – terrible, justement, cette urne que la grand-mère ramène de Nagasaki : c'est à maman ? Oui, c'est ta maman ! (ça rend moins bien en japonais)). On la sent cette souffrance, ce vide (certains perdent tous les membres de leur famille d'un coup), cette absurdité (pourquoi ?) mais Kinoshita, même s'il ne nous épargne pas au besoin les larmes des enfants, tente d'éviter malgré tout tout pathos lourdingue. Sous l'impulsion du père, les croix et les prières fleurissent, comme pour tenter de retrouver un repère après cette destruction totale ; les scènes pieuses reviennent plus souvent qu'à leur tour, comme pour chercher, par un quelconque biais, à apaiser l'indicible. Ce docteur courage tente tant bien que mal d'éduquer ses enfants, quitte à se séparer d'eux si nécessaire - il faut s'endurcir pour survivre dans cette nouvelle ère. Lui, alité, continue d'écrire, pour transmettre aux futures générations un message : plus jamais de bombe atomique, point.

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Une première partie très familiale, douillette, qui va rapidement laisser la place à ce sentiment d'effroi devant ces cendres, ces morceaux de papier, de tissu, de chair brûlés qui ont envahi le ciel. Le ton reste digne tout du long (cette image très pieuse de la famille, au lever du jour, écoutant les cloches de la cathédrale)  avant une dernière piqûre de rappel sur la toute fin : des images plus frontales sur l'horreur de Nagasaki, comme si Kinoshita voulait sur le fil marquer définitivement les esprits. Une œuvre sobre, sans excès de mélo déplacé, mêlant petites joies triviales et incompréhension abyssale ; une œuvre qui sent peut-être un peu le cierge aux entournures mais qui tente aussi de ramasser ici ou là les bouts de cire pour continuer à tenir debout. Une œuvre au final de bonne tenue (oui, faisons dans la retenue aussi) pour un acte de mémoire parfois vibrant.

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