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Shangols
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16 avril 2020

Le Lac aux Oies sauvages (Nan Fang Che Zhan De Ju Hui) (2019) de Diao Yinan

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En cette année 2019, les Chinois nous auront définitivement comblé : ce lac aux oies sauvages (♪passaient les oies sauvages ♪ : rien à voir, mais la référence s’imposait) est un petit polar nerveux, une nouvelle fois soignée esthétiquement, sans doute un poil improbable (un type demeure incognito avec 6000 policiers au cul… décidément, le flic, sous tous les méridiens, devient de plus en plus nul) mais qui essaie jusqu’au bout de nous tenir en haleine. Un type, petit voleur de bécanes, va voir sa vie déraper lorsqu’un soir, à la suite d’un règlement de compte avec une bande rivale (les deux frères « Chat » - the total look eheh), il va descendre bêtement un flic. Il devient l’ennemi public numéro 1. Notre homme se cache aux alentours de ce lac où pullulent les fameuses « bathing beauty » (des petites gonzesses qui sous leur grand chapeau blanc accompagnent avec le poignet, devine-t-on, vos baignades : non, on ne parle plus de miracle chinois depuis longtemps). Des centaines de flics en civil et des dizaines de soldats de l’armée quadrillent la zone mais nib, notre gars reste introuvable… Une récompense de 300.000 boules (jaunes) est promise à celle ou celui qui livrera l’homme à la police… Le fuyard a alors une idée : se livrer à un membre de son clan pour que sa femme (qu’il a quittée il y a cinq ans) puisse toucher une grande partie de l'argent. C’est une jeune femme aux cheveux courts, peu farouche (a bathing one), qui tente de faire la jonction entre notre héros, son clan et sa femme. Un fluide passera entre les deux, mais est-ce que cette jeune femme est vraiment honnête dans sa démarche ou se révélera-t-elle, à l’usage, une salope finie ? That is the question.

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Ah ben oui, on aime ces lumières jaunes urbaines (la scène d’ouverture vers la gare), ces lumières roses d’endroits louches, ces éternelles lumières au néon, le film se déroulant en grande partie la nuit. On aime ces deux héros un peu désespérés, rebelles malgré eux, perdus d’avance, qui essaient une ultime fois d’arracher à cette vie de merde des petits lambeaux d’instants joyeux (de cette petite pipe surprise à ce plat de pâtes qui frôle la gabegie). Observés de toute part, par les keufs, par les propres membres du clan qui n’ont pas l’air tout blancs, par les deux frères « Chat» sournois comme des rats, ils tentent de se frayer un passage dans cette nuit qui n’en finit pas. Les traquenards se multiplient, les coups de feu fusent et notre héros, ce trompe-la-mort, dans cette sorte de baroud d’honneur, semble increvable. Il est sans doute déjà un fantôme, ne semblant souvent qu’exister aux yeux de cette compagne d’infortune – le protège-t-elle, cherche-t-elle à le trahir, on a déjà dit que c’était là la question, c’est agaçant à la fin. Oui, le cinéaste a sans doute tendance à vouloir en faire un peu trop dans cette traque qui s’éternise – des morts spectaculaires, du sang qui gicle par carafe, du cadavre en promo. Mais la relation, complice, tendue, amicale, romantique, sexuelle, qui s’installe dans notre petit couple souvent impassible donne à cette aventure nocturne, à ce polar noir, un charme certain. Two desperados in the chinese nights : aguichant et trépidant.   (Shang - 28/01/20)

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Bien emballé itou par ce petit polar romantique, qui joue sur un rythme très inhabituel pour le genre : une lenteur excessive, qui privilégie les moments de contemplation à ceux de charclage. Loin de plonger dans l'hébétude, cette lenteur prolonge la poésie très douce du film, et nous donne à voir tous les à-côtés de cette traque. Notamment bien sûr les relations entre ces deux déclassés, qui s'intensifient tranquillement au cours des deux heures et finissent par ressembler à une hstoire de couple. Comme le film est assez taiseux, trop même parfois tant l'ellipse semble faire partie du cahier des charges obligatoire du film, au risque de nous perdre parfois, on ne sait jamais trop de quoi ces relations sont faites : amour ? complicité ? duplicité ? vénalité ? ennui partagé ? En tout cas, l'étrange actrice choisie pour incarner ce rôle, avec son visage masculin et sa beauté bizarre, rend pleinement justice à la douce ambiguïté des rapports entre ces deux-là. Signe que Diao les préfère à sa trame policière : la sur-esthétisation de son décor, qui peut faire penser parfois (dans les rythmes aussi, d'ailleurs) à Wong Kar-Wai. Que ce soit pour filmer sa ville, toute en néons colorés, en trous de lumière dans la nuit, en cadres tarabiscotés, ou à la campagne, avec ce lac volontairement filmé comme un lieu de fantasmes (l'artificialité des installations lors des scène en barque notamment), il met tout son soin à "faire cinéma", à sortir d'un réalisme souvent trop vu dans le polar. On sent bien ici que le cinéaste pratique une mise en scène volontairement de carton-pâte, et préfère les détails visuellement forts (les baskets lumineuses des flics, les casques qu'ils portent pour conduire les motos, le graphisme des costumes des putes) à la véracité géographique ou sociale du contexte. Le film y perd peut-être en réalité (et c'est vrai qu'on peut se perdre parfois dans les inutiles complexités de l'intrigue) mais il y gagne en beauté, en chaleur et en force visuelle. Diao sait aussi envoyer la sauce quand il faut, et réalise quelques séquences de pur thriller absolument délicieuses. Que du bon.   (Gols - 16/04/20)

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