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7 janvier 2020

Le Droit du plus fort (Faustrecht der Freiheit) de Rainer Werner Fassbinder - 1975

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Fassbinder avance poing levé depuis toujours, et ce n'est pas avec Le Droit du plus fort qu'il va inverser la tendance, le deuxième, de poing, enfoncé dans le fondement de son compagnon du jour autant que de la société qui l'entoure, si vous me permettez cette triviale expression. La lutte des classes, chez lui, prend la forme de fables simplissimes et tellement premier degré qu'elles en deviennent un peu punks. Ici, il va s'agir de pointer du doigt la manipulation des riches sur les pauvres, l'impossibilité des seconds d'atteindre le statut des premiers, et le fatum qui laisse chacun à sa place de son côté de la barrière. Franz Biberkopf est un brave prolo, qui comble les fins de mois de son boulot de forain en taxant quelques marks aux amants qu'il fourgue dans son lit, sans être trop regardant sur la qualité. Mais il gagne un demi-million à la loterie, et devient alors le sujet de convoitise de quelques profiteurs bien roublards, autant attirés par le magot que par l'indéniable force virile et exotique qui émane de ce jeune corps issu des classes sociales défavorisées. Eugen, notamment, archétype de la "tapette" éduquée, raffinée et instruite, prend le brave Franz sous son aile, autant pour tenter d'en faire un singe apprivoisé capable d'utiliser un couteau à poisson et d'apprécier Beethoven, que pour relancer l'usine de papa, se payer un appartement grand crin et profiter de l'appendice du bougre, que l'on devine imposant. Au fur et à mesure que la tirelire de Franz maigrit, l'amour d'Eugen pour lui disparaît, et le film se terminera en une boucle bien amère par le retour de Franz chez les prolos, ruiné, désabusé, et par une scène finale assez terrassante que je vous dévoilerai pas.

Le_Droit_du_plus_fort

On n'est pas dans le très grand Fassbinder, mais il y a quand même pas mal d'éléments là-dedans qui justifient la vision. D'abord sur le portrait du milieu homosexuel : le gars traite cet univers à égalité avec l'autre, celui des hétéros. Dans le film, les homos n'ont pas d'ennuis dûs à leur obédience, et l'amour entre les deux hommes apparaît comme allant de soi, ce qui ne devait pas être bien courant à l'époque. Il y a par exemple une très belle séquence au Maroc, où on refuse l'accès aux chambres à un homme non parce qu'il est gay mais parce qu'il est... arabe, un comble. Mieux : Fassbinder accorde à son couple homo autant de crédit qu'à un couple hétéro, c'est-à-dire aucun. Les lois du couple sont régies par le capitalisme, point final, qu'il soit entre hommes ou entre homme et femme. Dès le départ, l'amour est faussé par la richesse de Biberkopf, et jamais il n'éclatera vraiment, handicapé par ces rapports de dominants/dominé : Biberkopf domine Eugen par le fric, Eugen domine Biberkopf par l'éducation, et jamais l'amour ne trouvera un terreau fertile dans ces conditions. On assiste donc à la pure déréliction d'un amour, le destin des deux semble tracé d'avance. Abonné à l'échec et à son éducation simple, Biberkopf ne pourra jamais entrer dans l'univers huppé d'Eugen ; et celui-ci, habitué à l'oisiveté et au luxe, ne verra jamais la tendresse et la simplicité de Franz. C'est donc un film très triste, mais qui ne se prive pas pour utiliser quelques élément comiques en contre-point, histoire de nous faire respirer un peu. Par exemple dans le portrait coloré des habitués du bar gay, faune de losers déclassés qui vaut son pesant d'humanité, et qui, opposé au milieu très feutré des homos de la haute (belle scène d'essayage de vêtements notamment, qui le rapprocherait presque d'un Pretty Woman déviant), fait figure de haut lieu plein de fantaisie. Le jeu de Fassbinder, dans le rôle principal, confère à son personnage un petit côté candide, naïf, totalement craquant, qui rend encore plus douloureuse sa chute. On est de tout coeur avec lui malgré son aspect mal débourré. Un joli film direct et engagé.

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Fassbinder ist in there

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