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4 décembre 2019

Golden Glove (Der Goldene Handschuh) de Fatih Akin - 2019

GOLDEN-GLOVE-8-©2018bomberoint

Incroyable, quand même, de voir Fatih Akin déjouer systématiquement nos attentes de film en film, n'être jamais là où on l'attend, et travailler en dépit des bons goûts à un style, qu'on l'aime ou non. Après les quelques bons trucs et les quelques mauvais qu'il nous a proposés, le voici sur les sentiers très risqués du film gore. Il y va les deux pieds en avant, dans un élan punk bien réconfortant dans le cinéma très policé actuel (et l'allemand en particulier), dans un acte de cinéma frontal et impoli. Qu'on aime ou pas Golden Glove, finalement, lui importe peu ; on ne peut pas vraiment l'aimer, pas vraiment dire : "ah voilà mon film de chevet, celui que je regarde tous les soirs pour m'endormir". Ce qui importe, c'est l'acte, c'est faire bouger sur ses bases les convictions esthétiques et morales de la société actuelle, tout simplement ; tenter d'autres esthétiques, d'autres façons d'être poétique ou drôle, d'autres moyens d'aborder l'Histoire, d'autres personnages à regarder. Vaste programme de base, il faut le reconnaître : il s'agit de révolutionner le cinéma et de choquer le bon goût. Le résultat est mitigé, mais au moins le geste était fort.

Der-goldene-Handschuh_artikelBox

Années 70, dans les faubourgs de Hambourg. Dans une Allemagne encore fortement marqué par la guerre, Fritz Honka coule une existence misérable entre putes vieillissantes et bouteilles de schnapps. En pleine misère sociale et sexuelle, il entraîne parfois chez lui des grognasses, puis complètement aviné les tabasse et finit par les occire ni plus ni moins, par les débiter en tranches et par les enfouir dans le placard de sa cuisine, qui commence à sentir quelque peu la rose. Quand commence le film, il devient raide dingue d'une blondinette de 20 ans, et va passer la frustration de ne pouvoir la posséder sur les radasses du "Golden Glove", le bar où il va échouer. Autant dire que ça va être sanglant. Le film est tiré de l'histoire vraie d'un serial-killer, et Akin voudrait en faire le symbole d'une Allemagne encore complètement sous le poids de la défaite, encore en reconstruction. Honka serait l'image du pays complètement éclaté au niveau de son identité et de son intégrité. Malheureusement, Akin échoue complètement dans cette tentative : l'image n'est pas assez forte, la symbolique douteuse, le fond lui échappe trop souvent au profit de la forme. Ça veut pas dire grand-chose, finalement, cette allégorie du tueur sans scrupule pour désigner une Allemagne perdue, encore peuplée de nazis et livrée au peuple dégénéré qu'elle a engendré.

festival-de-berlin-2019-impression-5-the-golden-glove-image

C'est vrai qu'au niveau de la forme, le gars envoie du bois. Certains trouveront ça trop complaisant : rien, absolument rien dans cet univers n'est plaisant à regarder (hormis la petite jeunette, très pure). Au contraire, Akin se vautre dans le sordide, en rajoutant sans arrêt des louches pour qu'on soit encore plus dans le marasme. Des femmes du bar, vieilles peaux alcoolisées et vulgaires, éructantes et sales, aux habitués, ramassis de losers puants, des décors glauquissimes aux costumes antiques, en passant par le personnage principal, monstre aussi bien physiquement que moralement, complètement dépourvu de morale ou de contrôle, tout est laid, monstrueux, barbare. Akin filme les scènes de meurtre et de dépeçage frontalement, jusqu'au malaise, longuement, avec une sorte de fascination morbide dérangeante, très proto-punk. Et tout ça, c'est vrai, finit par déboucher sur une révolte : on se dit que pour se rouler ainsi dans la merde et le sang, pour montrer ainsi tous les êtres humains comme des sacs à vin dégueulasses, Akin doit bien avoir une tendance à la complaisance. C'est la limite du film. Mais c'est aussi sa force : jusqu'au-boutiste et radical, Golden Glove ne doit rien à personne, et surtout pas aux tenants du bon goût. Il se permet d'être burlesque aux endroits les plus terribles, de rire comme un damné aux choses les plus immondes, et cet acte d'insolence totale force le respect. Mieux : il parvient de temps en temps à nous faire aimer ce personnage, pourtant sans aucune excuse et aucun mérite. Dans les scènes où il tente de se réhabiliter il est parfois touchant, et son maquillage outrancier qui le transforme en poivrot dégueu laisse apparaître quelques failles, quelques jolies faiblesses. Ce sera malheureusement de courte durée : Akin, le replongeant tout à coup dans la réalité crue, qui veut que la vie soit une chienne, le fait très vite renouer avec le meurtre et l'éviscération. On ne conseillera ce film à personne, mais on reconnaît son pouvoir de fascination et la grande franchise de son réalisateur qui a inventé là une sorte d'American Psycho allemand.

ziqn

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