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Shangols
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6 décembre 2019

The Irishman (2019) de Martin Scorsese

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C'est vrai, reconnaissons-le humblement, que notre attirance pour Scorsese s'est un peu émoussée avec le temps... Eh puis là, on se dit : attends, films de mafia, De Niro, Pesci, Pacino, Keitel ! Quand même, c'est sans doute la dernière occase de le voir dans son petit jardin. Le film commence, un peu mollement, le temps que l'on comprenne les entrelacs narratifs du récit – du bon vieux flash-back, forcément (De Niro revient sur son entrée dans la mafia sous la protection de Joe Pesci) - et puis cela commence doucettement à trouver son rythme. De Niro sort les flingues, tue froidement, bastonne comme un salaud le petit épicier du bas qui a osé « pousser » sa fille : ça prend tournure. Scorsese, toujours à l'aise avec sa bande-son, nous trousse même (après le joli plan séquence en ouverture) un plan dont il a le secret : un type (la future victime) est chez le barbier, deux tueurs entrent dans une galerie marchande, la caméra les suit, puis, étonnamment, soudain bifurque, les quitte : les deux tueurs vont (en off) flinguer le type pendant que la caméra continue un bout de sa route et vient s'arrêter devant la devanture d'un fleuriste : efficacité, originalité, suggestion - on se dit que le Martin en a encore sous la pédale, on jubile presque - on sourit même aux faux-raccords de Thelma Schoonmaker (ma bête noire), autant dire qu'on est prêt à y croire... Ah ben oui, De Niro, grimé ou pas grimé, nous sert des mines et des mimiques que l'on a vues cent fois, mais nous l'avons tant aimé que sa façon de jouer est presque devenu maintenant un hommage à lui-même. Et on savoure.

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Et puis arrive Al Pacino as Jimmy Hoffa, le grand "patron" des syndicats, beau parleur et magouilleur, forcément, qui va à son tour, après Pesci et Keitel, avoir besoin de De Niro pour régler ses petits problèmes. Al Pacino a pris les ans dans la gueule et son jeu qui eut pu être subtil par le passé ne l'est plus ; il est en free-lance total et on se dit que, après les beaux tête-à-tête Pesci-De Niro ou Keitel (méga sobre !)-De Niro, le temps se gâte... On a malheureusement raison de commencer à faire la fine bouche car le récit lui-même va commencer à s'embourber autour de cette figure : sa grandeur, sa chute (passage par la prison), et son retour raté... Scorsese, par le biais d'Hoffa, évoque les influences diverses (et directes) de la mafia sur la politique américaine (du fiasco la Baie des cochons à l'assassinat de Kennedy) ; et l'histoire s'enlise un peu autour de cette figure par trop rébarbative à l'image du jeu d'un Pacino qui n'a plus la verve ou le charisme d'un Tony Montana. De Niro l'épaule, le conseille, le met en garde mais le gars, contre vents et marées n'en fait qu'à sa tête et semble destiné à aller droit dans le mur... Bon... Ce n'est qu'après cette trop longue parenthèse (avant Scorsese n'avait besoin que de 2h45 (ye souis caustique) pour torcher son histoire - il lui en faut maintenant 3h30, diable !) qu'on revient au parcours en solo de De Niro qui, quel que soit l’angle d’analyse, apparaît comme le vrai dindon de la farce de l'histoire : lui le tueur à sang-froid, lui le type conciliant, obéissant, reconnu par la pègre, finit par apparaître comme un pauvre larbin qui a trahi, presque malgré lui, à la fois sa famille (en particulier sa fille) et son protecteur. Une vie à obéir qui finit résolument en eau de boudin, boudin que Scorsese étire, étire jusqu'au bout pour nous faire ressentir tout le pathétique, finalement, de cet homme. Pourquoi pas, après tout, cela change des personnages mafieux "héroïques" ; mais la démonstration est trop longue et si on sourit encore au jeu, parfois, de De Niro (cette façon qu'il a de bloquer tous les nerfs de son visage : on croirait presque parfois que Scorsese a fait des arrêts sur image), si on reconnaît quelques tentatives dialoguées mignonnes de Scorsese en souvenir du bon temps (cette façon qu'ont les personnages de répéter trois mille fois le même mot : on connaît le truc), on a l'impression que son cinéma meurt à petit feu... Toujours des chansons qui tentent de booster des séquences, toujours une volonté de booster le montage (ah cette bonne Thelma) mais on est las de cette histoire qui n'aurait sans doute pas perdu à être réduite de moitié. Un film de Scorsesesesesese avec encore quelques éclats du passé mais un peu noyé dans la masse. Stimulant puis épuisant.  (Shang - 29/11/19)

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Eh ben voilà, une fois n'est pas coutume : vous prenez la chronique de mon compère, vous la mettez à l'envers, et vous avez mon opinion. On n'a jamais été d'accord pour les acteurs, et ça se confirme : j'ai trouvé de Niro pataud, pathétique, douloureux même à regarder ; et Pacino flamboyant, encore hyper concentré et intelligent. J'ai trouvé la première moitié pépère comme un vieux Maigret, et la deuxième assez brillante. Et je trouve que Scorsese, au final, retrouve quelque chose (qu'il avait perdu) de son élan de metteur en scène de Casino (un de mes films préférés de lui, je m'en suis rendu compte en regardant The Irishman). Certes, il n'est pas à la hauteur du chef-d'oeuvre, mais il y a quand même, dans la construction de ce film, un élan qui y fait penser.

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Reprenons : De Niro est une véritable erreur de casting dans ce film qui, sans lui, ne se serait certes sans doute pas fait. Il interprète un petit jeune (...) qui entre dans la mafia locale. La première partie est pénible à regarder : on voit le bougre cabotiner et surabuser de ses grimaces, la tête enfoncée dans les épaules, la démarche de grand-père en sus, et tenter de nous faire croire qu'il a trente ans de moins que Joe Pesci. La scène la plus aberrante est celle où il doit tabasser le gars qui a insulté sa fille : De Niro, le boxeur de Raging Bull, ne sait absolument plus bouger, et cette scène éminemment scorsesienne se transforme en épreuve pour la gars. Ça fait mal. On comprend bien le but de Scorsese : montrer que le temps n'a pas d'importance dans ce film, que tout est inclus dans un seul mouvement, qu'un vieux peut sans problème jouer un jeune. Mais là, on se dit (ne serait-ce que pour la dignité de De Niro) qu'il aurait quand même dû trouver un mec pour le jouer jeune, ou au moins une doublure pour les scènes de baston. Il fut fun jadis avec ses grimaces, mais il les a transformés en un "truc" vraiment gênant, et on se dit qu'il ne sait plus rien faire d'autre. Scorsese le grime, lui met des lentilles (orange...) et le modifie à qui mieux mieux avec sa palette graphique, pour qu'il fasse plus jeune. Mais rien n'y fait : je suis peiné de le dire, mais De Niro est nul dans cette partie. Et même quand il finit par rejoindre plus ou moins son âge réel, il demeure cabotin et basique dans son abord du personnage (pas très intéressant, par ailleurs).

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Ceci dit, malgré ça, Scorsese montre encore un sacré tempérament à la mise en scène. Certes, c'est un peu vieillot, c'est pas nouveau, et le film souffre un peu de la comparaison avec les grands "mafia movies" du passé. N'empêche : le gars est encore brillantissime pour le montage (je suis un grand fan de Schoonmaker, encore une différence avec le compère Shang), retentant donc le coup de Casino : faire de son découpage un seul mouvement le plus fluide possible, où les temporalités se chevauchent, où les flash-back dans les flash-back dans les flash-back donnent la véritable sensation du temps qui passe. Grâce au montage, grâce à la musique, grâce à cette étrange façon de passer des couches sur les couches à la façon d'un peintre, Scorsese parvient dans les plus grands moments du film à faire oublier le temps : une expérience vécue par le personnage il y a 30 ans côtoie une autre vécue aujourd'hui, le tout dans un seul geste. C'est magnifique à regarder, et ça fait oublier les nombreuses imperfections, comme ces écrans verts académiques et mal faits (curieux de voir ce film après J'Accuse de cet autre pépé de Polanski, il y a la même allégeance aux techniques modernes et le même plantage, même si Scorsese, plus friqué, réalise des transparences bien plus belles), ou ces scènes éternellement identiques de film en film (les trahisons, les exécutions sommaires, les machinations dans les restos luxueux, etc.)

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Et puis, le film, c'est vrai, est mélancolique comme tout, et souvent très touchant. Scorsese reconvoque donc ses motifs et ses acteurs favoris pour un dernier tour de piste, et malgré l'aspect parfois poussif, malgré les longueurs, on ne peut que verser sa petite larme et célébrer avec lui cette grande époque du cinéma célébrée ici. Joe Pesci, de toute évidence en bout de course, est attachant comme tout, très sobre, presque l'air d'un Bouddha plein de sagesse. Et surtout Pacino, pour son entrée dans l'univers scorsesien, est spectaculaire. Oublions ses teintes de cheveux improbables et ses opérations chirurgicales ratées : il est immense, et a su, lui, transformer ses excès de jeu de jeunesse en vraie signature formelle. Il joue un personnage de son âge, premier avantage par rapport à De Niro ; et il le fait avec un sens du timing, une gestion de la tension et du relâchement, un sens du regard incroyables. Son très long dialogue à la prison avec son ennemi personnel est une école de jeu, et par la même occasion une école de champ/contre-champ : c'est tendu, drôle, spectaculaire, sans aucun "truc". Les lumières en clair-obscur ou en gris métal, la musique toujours aussi inventive, l'ambition du bazar, les placements de caméra impeccables, le sens du rythme, tout ça contribue à faire de ce film une longue élégie à un monde qui s'éteint, celui de la mafia et celui du cinéma, sous l'arrivée de nouvelles formes, techniques et politiques. Ces pantins que sont les personnages du film voient arriver le nouveau monde (symbolisé par Kennedy) comme Scorsese voit arriver le nouveau cinéma, et le constat est aussi triste et aussi tendre des deux côtés. C'est ce qui fait qu'on finit par aimer The Irishman, pour sa deuxième moitié hantée et élégiaque plus que pour sa première poussive et creuse.   (Gols - 06/12/19)

Commentaires
K
Une soupe réchauffée avec des vieux croûtons. Sais plus où j'ai lu ça, mais bingo.<br /> <br /> Pas autrement gêné par les CGI. C'est même assez soufflant dans l'ensemble. Ni par les postures de De Niro: 'tain, on verra si vous arrivez à lever le pied aussi haut et vite quand vous feignez de passer un épicemar à tabac à 76 berges, vous !<br /> <br /> Mais c'est tout le reste: les mêmes séquences interminables qui nous faisaient déjà iéch dans Les affranchis et Casinouille, la même BO-jukebox rance, les mêmes dialogues faussement intelligents (le passage du poisson qui pue, hi hi hi, trop fort ce Marty), la même pseudo-truculence attendrie pour des personnages qui n'en valent pas la peine, etc. Plus ça avance, plus c'est désespérément mou, plat, attendu. Bref, moins un problème de forme que de fond: Scorzézé n'a rien à dire mais il avait juste envie de remettre ses papys goodfellows en selle, pour le fun. <br /> <br /> Quant on en vient à trouver le Tarantino de l'année moins tarte et moins barbant... y a comme un rouston dans le brouet, nan ?
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D
Quelques bonnes choses: le parallèle crepusculaire cinéma/mafia, certains dialogues scorcesien à souhait, le placement historique. D'autre quasi éliminatoires: De niro pitoyable (ça me butte de le dire, mais à la limite ça n'est pas tant de sa faute qu'aux techniques de rajeunissement/vieillissement qui montre clairement leurs limites ici), Pacino qui ressemble à nosferatu et pour qui la fin semble approcher à grands pas, et l'étalonage spécial netlix qui fait ressembler ce film à pratiquement tous les autres sur cette chaîne. Beaucoup trop long aussi. Une vrai déception malgré une fin émouvante. Un jeu de nostalgie assez fade.
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