Ceux qui travaillent (2019) de Antoine Russbach
Ouh ben ça dis donc c'est vraiment pas terrible... Olivier Gourmet est Olivier Gourmet : bourru, rigide, droit, au boulot, il prend des décisions tranchantes (gérer des porte-containers à travers le monde, c'est pas de la gnognotte) ; et puis il va prendre un jour la décision de trop : il donne l'autorisation au capitaine d'un cargo de jeter par-dessus bord un clando malade, histoire que le bateau ne soit pas mis en quarantaine – le profit, oui, toujours le profit. Son entreprise, mise au fait, le remercie de sa décision économique en le licenciant. Merde, le profit et le capitalisme on ne dit pas, mais là, si jamais cela se sait, ça risque d'être mauvais pour l'image... on est d'accord, tous des enculés. Gourmet, une femme, cinq gamins avec un train de vie de ministres, joue pendant un temps à L'Emploi du Temps : bonne journée, je vais au boulot - en vrai, il en cherche... Jusque-là, dur à dire, mais cela pue le déjà vu. Gourmet, c'est Gourmet, jamais mauvais, mais pris dans un rôle qu'on l'a vu exécuter déjà au moins vingt fois auparavant (faut pas le faire chier, on sent qu'il peut mordre au cas où même s'il prend sur lui). Cantet, en son temps, a déjà montré, en mieux, la même histoire. Ajoutez à cela des gamins ultra tête-à-claques clicheteux et pourris à mort... Bref, on attend un peu d'originalité dans la suite du récit... Malheureusement, on se rend compte alors que Russbach est définitivement suisse : il filme des scènes, notamment entre Gourmet et sa femme, où chacun met trois minutes de silence avant de sortir une réplique et là franchement, en spectateur de base, on a le temps d'écrire trois fois le film (après avoir deviné presque systématiquement ce que l'un ou l'autre va sortir). Le silence et dors... Bien. Gourmet, comme nous, finit par se faire un peu chier et se dit tiens, si jamais je tuais tout le monde comme l'autre, là... En plus, le seul boulot qu'on lui propose sent le purin à plein nez (contourner l'embargo syrien pour se faire du blé : on a pensé à lui, vu sa petite morale professionnelle...). Gourmet veut dire stop. Stop à cette famille de branle-la-quiche, stop à ce milieu de requins, stop à cette chienlit suisse. Mais il aime (petite faiblesse) sa petite dernière cromignonne. Il y aura encore des silences lourds et un final qui tentera de prouver que dans ce monde de chien le capitalisme a encore de beaux jours devant lui... Tous ces silences (suisses) pour nous servir une morale chiante comme une pendule (idem). Gourmet a fait le taff, propre, sobre, il ne manquait qu'un scénario (plus original et travaillé) et un réalisateur un peu moins soporifique.