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Shangols
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GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
1 décembre 2019

J'ai perdu mon Corps de Jérémy Clapin - 2019

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Un peu gêné à l'heure d'aborder ce fim que toute la presse encense, qui a raflé tous les prix et dans lequel il faut semble-t-il voir une mise en scène géniale et une sensibilité étonnante. Parce que pour tout dire, je n'ai pas adoré la chose... mais je ne sais pas trop pourquoi, et il me semble que je suis passé à côté du film. Tant pis : Shangols étant LE lieu de la mauvaise foi et de la subjectivité, entamons donc la seule critique à ce jour qui soit un peu perplexe face à J'ai perdu mon Corps.

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On pourrait s'attendre, pour un premier film, à un style qui bouleverse le genre, un style jeune, un style novateur, bref à du caractère. Or, dès les premières images du film, on est déçu : voilà de l'animation certes artisanale, certes faite main, certes jolie, mais irrémédiablement attachée à la tradition du genre. Si ce n'étaient les couleurs, assez jolies et originales, on pourrait même penser qu'on est dans un film de Sylvain Chomet, avec ce trait lisse et doux, avec cete atmosphère désuète du Paris d'avant. Dans cet écrin tellement classique qu'il confine à l'académisme, Clapin raconte son édifiante histoire, ou plutôt ses deux histoires qui n'en font qu'une : d'un côté, une main se détache de son corps et part à la recherche d'icelui, traversant les dangers pour tenter de se ressouder à son propriétaire, un peu comme cette théorie du Banquet où l'homme et la femme se ressouderaient ensemble pour retrouver l'harmonie primale ; de l'autre, Naoufel, jeune gars paumé en perte d'identité et de repère, vague livreur de pizzas incompétent, orphelin qui se recroqueville dans les sons pour vivre : il enregistre tout ce qui lui arrive sur de petites bandes pour documenter sa vie, en chercher le sens. C'est d'ailleurs par le son que va lui parvenir la première bonne nouvelle de sa vie : par interphone interposé, il rencontre Gabrielle, jeune fille d'aujourd'hui, qu'il va s'efforcer de séduire. On se rendra compte peu à peu que la main est la sienne, et qu'elle représente en quelque sorte le passé de Naoufel, par de fréquents flashs-back qui se concentrent sur son membre bientôt arraché de son corps. Dans un premier temps, on apprécie pas mal cette odyssée de la main, d'autant que Clapin joue dans la cour des adultes pour une fois : assez morbide (les premières scènes), violent (les rats dans le métro), parfois assez nihiliste dans sa façon de montrer la ville, il envoie de saines impulsions dans la rétine. La plus belle scène est celle de Naoufel et Gabrielle conversant à travers l'interphone : le film se pose brusquement, filmant les toutes petites choses plutôt que de surenchérir dans l'action comme le veut trop souvent le genre : en traitant ainsi à hauteur d'homme la poésie, la magie d'une rencontre, il touche juste, développant le thème de l'écoute et du son jusqu'à son degré le plus intime. A la moitié du film, on est donc plutôt convaincu, d'autant que les aventures de la main sont palpitantes et bien rythmées.

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C'est ensuite que ça se gâte. On dirait que Clapin est un peu terrorisé par ce qu'il a déjà accompli, et préfère se replier dans ce que le cinéma d'animation a déjà fait avant lui : développer une sentimentalité qui confine à la mièvrerie. Oubliés les paris audacieux du début, le côté morbide, le rythme trépidant, la mise en scène en plans rapprochés. A la place, la caméra écarte le champ, et filme un amour qui se construit de façon assez convenue. Ce personnage féminin est bien peu convaincant, et les atermoiements adolescents du héros n'arrivent pas à passionner. De plus, la main subit des aventures de plus en plus fleur bleue (la rencontre avec un bébé, avec un pianiste aveugle), et perd son aspect glauque. Quand elle retrouve (par l'opération du saint-esprit : oui, le film manque de réalisme) son corps d'origine, la magie n'opère plus depuis un bon moment, et la scène, qui aurait dû être bouleversante, est ratée, trop petite, mal mise en scène. Pour tout dire, je n'ai pas bien compris la finalité de la chose, la fin m'a laissé assez perplexe. Il doit s'agir d'un film sur la résilience, sur un gars qui subit les avanies mais s'en remet et se tourne vers l'avenir, une fois ses adieux avec son passé effectués. Sans doute. Mais déjà déçu par la forme, il m'aurait fallu une autre façon de raconter pour m'intéresser au fond : je suis sorti pas très satisfait de la salle. Mais je suis prêt à écouter un avis contraire... (Gols 13/11/19)

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Cher ami Gols, d'avis contraire, tu ne liras point ici car j'avoue (sans forcément avoir eu l'impression de passer à côté) la même déception. S'il y a au départ quelques belles idées "manuelles" (cette main tordant le cou à un pigeon avant de se rétamer dans une poubelle - séquence délicieusement glauque - ou cette main bunuellienne attaquée par des fourmis ; de même, Clapin, cadre souvent des morceaux de corps, notamment des mains, donnant une allure assez étrange voire assez énigmatique à cette œuvre), les aventures (de plus en plus longues) de notre livreur de pizza sont aussi passionnantes... que la vie intellectuelles d'une pizza... Il est timide, il est gauche, il est un peu tout de guingois et quand il flashe sur la voix de cette fille, il se sent prêt à toutes les audaces... Notre livreur se fait ébéniste en un tour de main pour pouvoir être au plus près ce celle qu'il "admire" (elle est la fille de l'ébéniste) ; je dis bien qu'il "admire" qui semble plus adapté ici qu'il "aime" ou qu'il "veut conquérir" - tout ce qu'il veut, notre gars, c'est une sorte d'amie qui oserait, le cas échéant, passer du temps avec lui... Il va un peu foirer leur relation (elle découvre qu'il l'a suivie pour en arriver là) mais l'essentiel est sans doute ailleurs : tout ce qu'il recherche, en fait, c'est parvenir à "se dépasser" pour être sans doute enfin fidèle à ses rêves d'enfants (pianiste et cosmonaute). Bien. Le problème, perso, c'est le rythme des dialogues entre ces deux (non) tourtereaux qui se trainent parfois à l'infini ; comme les histoires, muettes, de la main, ainsi que le soulignait Gols, sont de moins en moins passionnantes, on perd un peu de notre intérêt à la chose - comme la main finalement a perdu son corps (corps qui avait lui-même eu tendance à perdre son âme). Cela fait beaucoup trop de perte (de temps) et l'on a un peu hâte que la chose s'achève. Résumé succinct du bazar : l'histoire d'un gamin pas aidé au départ qui a dû se faire violence pour relever la tête (vers les étoiles). Après un départ visuellement assez bluffant et insolite, on assiste à une comptine un peu plate d'un adolescent en pleine recherche de confiance...

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