Et nous voilà reparti dans le récit d'un jeune écrivain à la recherche de la vérité sur la vie de son grand-père : ce dernier, embarqué par la Gestapo, est mort dans les camps. Pourquoi a-t-il été arrêté, qui l'a dénoncé, que s'est-il réellement passé à cette période ? Ceux qui voudront trouver ici les mêmes éléments historiques que dans l'enquête menée par Olivier Bertrand dans Les Imprudents seront déçus. Ce n'est d'ailleurs pas du tout le propos de Coatalem. Même si ce dernier s'organise pour faire des recherches dans diverses administrations, en France, en Allemagne, pour reconstituer le destin du grand-père, il semble plus attiré par l'idée de faire revivre, à sa façon, l'histoire de cet homme que par l'envie de livrer un récit journalistique, ultra-précis, de ses dernières années. Coatalem semble avoir vécu comme une sorte de micro trauma familiale le fait que la vie de son grand-père, ainsi que celle de son oncle d’ailleurs qui partit très jeune, pendant la guerre, rejoindre le général de Gaulle, ne soit jamais évoqué directement par les siens (sa grand-mère, son propre père). Un manque qu'il a du mal à expliquer et qu'il va essayer de combler à sa manière en livrant ce récit : l'engagement de son grand-père lors de la première guerre, les années en Indochine, les vacances en Bretagne... A partir d'éléments un peu disparates, de vagues témoignages, de photos, l'écrivain tente de remplir les trous en livrant un récit capable de faire revivre les plus belles années de cette figure familiale auprès de sa femme, de ses trois enfants. Cela n'en fait que mieux sortir ces dernières années de calvaire (il fut emmené, à un âge relativement avancé, de camp en camp, avant de terminer sa course en Allemagne sur le site infernal, littéralement dantesque, où avait lieu les constructions de V2). Coatalem, sans esbroufe, tentant de faire le lien entre les différentes pièces du puzzle, livre un récit de bonne tenue, surement aussi un peu sage, sans grande surprise ni excès de style... Il est entièrement au service de la mémoire de cet homme qu'il tente patiemment de ranimer avec ses propres mots. Notre écrivain, loin de jouer toute idée de suspense facile, finit dans les dernières pages par livrer quelques éléments précis de son enquête - mais on sent que, par rapport à sa démarche, l'essentiel est ailleurs : l'intérêt, ici, n'était pas de résoudre des énigmes enfouis, mais simplement de vouloir faire partager cette histoire qui fait, bien qu’il n’ait jamais croisé ce parent, partie intégrante de sa propre histoire personnelle. Un projet sagement exécuté avec en filigrane un éternel retour à ce moment clé de l'Histoire de France, à jamais inépuisable. Une lecture fluide d'un livre qui, à défaut d'avoir les épaules d'un classique, fait se rejoindre en toute modestie histoire et Histoire. Pas si mal.
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