O'Brien s'attaque à un sujet sensible : l'enlèvement de ces pauvres jeunes filles au Nigéria par la secte Boko Haram en 2014. Dès le début du bouquin, on est dans le feu de l'action et de la violence. Rien ne sera franchement épargné à notre pugnace héroïne, Maryam : viol, corvée, viol ou encore viol (l'extrémiste semble avoir une petite obsession envers la chose) ; dans son malheur, elle aura tout de même la "chance" de tomber sur un époux moins abruti que les autres qui lui donnera un enfant. Il aidera d'ailleurs la jeune fille à s'échapper au cours d'une attaque du gouvernement alors même qu'on est seulement qu'au tiers du livre... C'est surement ce qui surprend le plus : exit Boko Haram (même s'il sera encore question d'exaction d'extrémistes) pour se concentrer sur le parcours ardu de Maryam : fuite dans la forêt, désespoir d'avoir à survivre avec ce gamin, disette... et puis un retour au bercail auprès de sa famille pas forcément plus évident à gérer. Bref, un parcours de croix.
On tremble quasiment tout du long pour la pauvrette, ne sachant jamais d'où viendra le coup, la violence physique (les boko hermétiques) ou la violence morale (le rejet de sa famille et surtout la séparation d'avec sa fille). On se demande franchement comment trouver la force de survivre (et d’en avoir envie) quand, si jeune, on a été confronté au pire de l'humanité. La pauvre est à deux doigts de craquer à plusieurs reprises (prête d’abord à se débarrasser de l'enfant puis prête à tout pour le récupérer) et O'Brien nous fait vivre les émotions, pour le coup extrémistes, de la pauvrette (cette histoire de bébé, un truc de dingue). On sent la documentation sans outrance, le récit précis sans tomber dans le surplus d'info ni dans le pathos et le récit "objectif" d'O'Brien nous paraît d'autant plus glaçant. On a l'impression tout du long que la jeune fille dévale une pente raide comme une saillie emmenée malgré elle dans une sorte d'ivresse infinie de la douleur (je suis déjà en vacances, je lâche les chevaux). On se demande jusqu'au bout s'il sera possible pour elle (et son gosse - qui meurt au moins douze fois) de trouver un jour un havre de paix. Récit sec comme un coup de trique au niveau des faits mais qui n'empêche pas ici ou là de laisser poindre quelques petites bouffées d'émotions (la mort de sa compagne de fuite, le bébé embarqué sur l'eau, la nouvelle donnée par sa mère de la "disparition" du gamin). Horreur, Haram, Ordures - le choc des maux sans chichis.