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6 octobre 2019

LIVRE : Ce que l'on sème (The Travelers) de Regina Porter - 2019

Ce-que-l-on-seme

Regina Porter s'essaie à la fresque américaine (noire et blanche) allant des années qui suivent la seconde guerre mondiale aux années Obama en passant par l'incontournable guerre du Vietnam. Fresque ambitieuse qui annonce la « couleur » dès le départ avec la liste des différents personnages - on serre des dents en se rappelant les familles dostoïevskiennes et autres ouvrages dospassossiens. C'est, dirons-nous, tout ce qui va faire la force de cet ouvrage très "romanesque" mais aussi sa faiblesse : Porter a une grande capacité à faire vivre ses personnages, à leur donner de la densité, se révélant jamais à cours d’anecdotes, d’historiettes prenantes et se montrant relativement adroite pour trousser des dialogues ; malheureusement, à multiplier les personnages, à vouloir changer de narrateur pratiquement à chaque chapitre, on se perd un peu parfois en route : trop de personnages (seulement deux grandes familles mais des rejetons étalés sur trois ou quatre générations), et un livre choral certes ingénieusement tricoté (les différents personnages ne cessent de se croiser) qui à vouloir trop embrasser finit par mal éteindre. C'est un peu dommage en soi de se sentir ainsi un peu perdu en route. D'autant que chaque chapitre, en soi, est plutôt prenant même si on peine parfois à savoir à quel personnage exactement cela renvoie : l’autre gros problème, c'est que, sitôt le chapitre clôt, on ne sait point quand on va le retrouver, à quel moment de sa vie, si jamais on le recroise... Car outre la multiplicité des personnages, Porter joue avec les ellipses et cette autre inconnue enlève un brin de force à sa construction romanesque. Elle met pourtant le paquet pour revenir sur certains événements phares, certaines thématiques de ces années-là : la ségragation, la violence envers les femmes (dont sera victime l'un des personnages principaux dès le départ et qui sera ensuite comme une sorte de tare familiale), l'émancipation des femmes ou la guerre du Vietnam (où là encore elle tente de trouver des angles (notamment chez les soldats noirs participant de près ou de loin aux combats) assez originaux). Il est aussi beaucoup question de coups de foudre, d'espoir, d'enfants (bien élevés ou abandonnés en route), de séparation, de reconstruction : chaque individu ou presque semble avoir été victime d'une trahison, d'un abandon, d'une violence morale ou physique ; un portrait guère réjouissant de cette Amérique en mutation en un sens. Mais Porter, par son sens du récit, du rythme, par cette volonté de montrer toujours ses personnages dans une certaine dynamique (rares sont ceux qui se contentent tout du long de leur sort) parvient malgré tout à influer une certaine énergie et à capter l'attention de son lecteur (le mieux serait surement de lire le roman d'une traite ou de prendre ici ou là des notes sur certains personnages - ce qui est un peu laborieux, j'avoue). Au final un roman foisonnant, exigeant en un sens, qui aurait peut-être gagné (...) à être un peu plus classique dans sa construction narrative - pour que l'on s'accroche à la trajectoire de certains personnages. Des graines joliment semées (un vrai sens du romanesque, je m'y tiens) quand d'autre partent malheureusement un peu dans le vent (putain c'est le cousin de qui, lui ?). Premier roman qui reste nonobstant prometteur.

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