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2 octobre 2019

Noce Blanche de Jean-Claude Brisseau - 1989

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Je n'avais jamais vu ce film pourtant célèbre, préférant en général les oeuvres plus mineures de Brisseau. Eh bien j'avais bien raison : Noce Blanche a tout du pétard mouillé, et son soit-disant soufre a pris bien du plomb dans l'aile en 30 ans. Brisseau manipule dangereusement des matériaux bien dangereux, mais se retrouve finalement avec en main un explosif un peu périmé qui fait pshit, pour paraphraser un de nos glorieux et récents disparus. Il est question donc des rapports entre un professeur de philo rangé des voitures, érudit et marié jusqu'aux dents, et d'une de ses élèves, envoûtante, libre, érotique et mineure. Il fut un temps où on pouvait monter un film sur cette idée. D'un côté donc, Bruno Cremer, qui réussit assez bien sa mue d'homme sage en obsessionnel, toujours juste quand il s'agit de donner de la mesure à son personnage qui se perd peu à peu (à noter, dans le rôle très secondaire et un peu casse-bonbon de sa femme, une Ludmila Mikaël elle aussi pas mal du tout et très intelligente dans son jeu) ; de l'autre, la petite Vanessa Paradis, alors pas encore vraiment bankable, dans le rôle du petit serin qui va faire passer les compteurs de son prof dans le rouge. La belle arrive en retard en cours, s'en fout, boit et fume, baise et allume les hommes, mais elle porte en elle un lourd passé fait de rejet et de manque de reconnaissance, alors on lui pardonne ; d'autant qu'elle se déshabille sans vergogne au premier rendez-vous, et qu'elle se montre supérieurement intelligente quand il s'agit de disséquer la notion de conscience chez Freud. Tous les profs la haïssent, mais Bruno, lui, craque littéralement pour sa force sexuelle (les femmes intelligentes, que voulez-vous...), ce qui, on s'en doute, le mènera sur la pente de la jalousie, de la violence, et du divorce...

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Il fallait certainement en avoir où je pense pour produire un tel fim en 1989. Brisseau n'est pas le dernier des pleutres, et s'y attelle avec une inconscience et un courage tout à fait honorables. Le souci, c'est que son film a l'air de se promener en petit adolescent malpoli sur les chemins de la provocation. Manquant de sincérité, Noce Blanche apparaît plus comme un crachat face aux bourgeois de l'époque (et aux détracteurs de Brisseau par la suite) que comme un sujet vraiment senti, vraiment pensé. Tout semble là pour choquer, pour faire pousser des oh et des ah à Madame le Baronne, mais on a du mal à aimer ces personnages, à partager leurs affres, à éprouver une quelconque empathie pour eux. Peut-être parce qu'ils sont envisagés en rats de laboratoire plus qu'en vrais personnages. A l'image de la direction d'acteurs, vraiment étrange (le jeu "faux" de François Négret ou de Véronique Silver, rescapée de La Femme d'à côté avec un rôle très proche), le film paraît artificiel, purement formel. Si Cremer est pas mal dans son jeu complètement anti-naturaliste, Paradis est proprement à chier, et on dirait que Brisseau ne l'a utilisée que pour ses vertus physiques et sa réputation "d'enfant artiste", pour ajouter un peu au soufre. Il faut la voir réciter son couplet sur Freud ou tenter de dégager de l'érotisme pour se rendre compte de l'étendue des dégâts. Le montage se contente la plupart du temps d'égréner des séquences répétitives (le nombre de coups de téléphone est impressionnant), et de raconter dans un ordre très sage la spirale de sexe et d'amour qui entraîne notre Bruno. Comme tout est joué d'avance dans ce scénario surfait, on se contente de regarder ce pauvre prof couler, non sans un certain sadisme d'ailleurs, et on se demande un peu ce que Brisseau a voulu raconter avec cette histoire assez attendue. Bref, un film qui a vieilli, quoi, et qui aujourd'hui ne ressemble plus à grand chose. Restent l'audace et le romantisme...

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