Mars Attacks ! de Tim Burton - 1996

Bah ça fait pas de mal de revenir parfois sur un de ces bons vieux divertissements qui nous avaient fait marrer il y a 20 ans, du temps d'ailleurs où Tim Burton savait faire des films à la fois arty et populaires. Le bougre, alors au sommet de sa notoriété, réunit une pléiade d'acteurs bankable et réalise un hommage à la Hammer délicieux et foutraque, malpoli et référencé, et finalement assez drôle dans sa façon de casser tous ses jouets et d'envoyer humains et envahisseurs dos à dos dans un même mépris ricanant. La première scène est spectaculaire et nous plonge tout de suite dans l'ambiance : un roulement de tonnerre, un troupeau de vaches en feu, une soucoupe volante à l'ancienne qui décolle, on se croirait dans un Corman ou encore dans un vieux Ed Wood. Le film raconte donc une invasion d'extra-terrestres dans les Etats-Unis de l'époque, marqués par l'après-guerre du Golfe et le "tout empathie" de Bill Clinton.

D'abord tout miel, célébrant l'hégémonie américaine dans l'organisation de la rencontre du troisième type, complètement confiant dans la grandeur du moment et dans les bonnes intentions des martiens, voulant aussi marquer l'Histoire, le président américain du moment (mélange, donc entre la naïveté de Clinton et la bêtise de Bush père) prépare ses discours et ses drapeaux, sourds aux injonctions du va-t-en-guerre de service qui veut atomiser les visiteurs. Mais les aliens se montrent aussi crétins que les humains, punks et agressifs, et la terre est bientôt menacée de destruction totale par ces petits hommes verts au gros cerveau et à l'humour douteux. Les extra-terrestres s'amusent avec l'arme atomique, pratiquent des opérations génétiques douteuses, envoient des agentes secrètes à la Maison Blanche, dézinguent du militaire avec le même plaisir qu'ils explosent du civil, tout ça en rigolant comme des tordus. Il faudra l'intervention d'un ancien boxeur et de quelques ados pour mettre fin à l'invasion, grâce notamment à de la soupe musicale qui fait exploser le cerveau des aliens. Bon.

Le film tient surtout parce que, pour réaliser ce film très potache, rigolard, hommage hyper-léger aux petits films de science-fiction des années 50, Tim Burton envoie tous les gros moyens dont il dispose. Ce hiatus entre petit film de genre et clinquant formel est irrésistible : on jubile de voir ces têtes d'affiche (Nicholson, Close, Benning, Brosnan, de Vito, Michael J.Fox) explosées voire modifiées génétiquement par les extra-terrestres, le tout dans une photo très belle, accompagné d'une musique délicieusement référencée et soutenu par des effets spéciaux (pour l'époque) très inventifs. Le côté anarchiste du scénario, qui voit tout simplement s'affronter deux nations aussi belliqueuses et cons l'une que l'autre, est pour beaucoup aussi dans la plaisir de la chose : on rigole à l'avance du nihilisme collégien des aliens face aux tentatives putassières d'entente gauchisante des terriens. Leur violence finit même par devenir un peu effrayante (l'image finalement assez glauque et dérangeante d'un Brosnan décapité faisant la cour à une Sarah Jessica Parker transformée en chihuahua), et la spirale de destruction de la planète est si irrépressible qu'on finit par ressentir une vraie inquiétude face à ces Martiens sans aucune pitié. Burton ne se gène pas pour faire rentrer une certaine forme d'impureté dans son film disneyen, à l'image de cette belle espionne extra-terrestre qui affiche soudain un trou béant dans son visage parfait, révélant sa mâchoire monstrueuse. Derrière le divertissement pétaradant et coloré se cache de bien sombres thèmes, comme l'impossibilité de l'Amérqiue à faire la paix avec qui que ce soit, la peur de l'autre, l'éternité de la guerre, la fatuité de nos dirigeants... C'est tout le talent de ce film de série très réussi de nous le faire comprendre tout en nous faisant marrer. Excellent moment.