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14 juin 2019

Bécassine de Bruno Podalydès - 2018

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Envie de retrouver votre âme d'enfant, honteusement spoliée par la trivialité du monde moderne ? Voyez Bécassine. En quelques secondes, le film va vous replonger dans des émotions oubliées, et vous filer des souvenirs qui ne sont peut-être pas les vôtres, mais qui semblent immédiatement universels et partagés par tous. On peut craindre, je veux bien l'entendre, cette nostalgie un peu rancie d'une France fantasmée, rurale, remplie de bonnes gens à l'esprit simple ; le syndrome Amélie Poulain, quoi. Et c'est vrai que dans les premières minutes, on doute un peu de la véracité du projet : en quelques saynètes croquignolettes, Podalydès nous brosse un portrait de l'enfance de Bécassine, ses tours pendables et son gentil tonton, dans une campagne mirifique. C'est mignon, rigolo, mais on a un peu l'impression qu'on nous prend pour des gosses de 4 ans, et on frémit devant la gentillesses revendiquée de cet univers de carton-pâte hyper-fabriqué. Il y a bien quelques éléments un peu plus noirs, en la personne des parents démissionnaires ou de la voisine sauvageonne assez méchante (Vimala Pons, toujours marrante), mais tout ça respire la pub pour le jambo Herta de façon un peu trop ostensible.

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Et puis, peu à peu, quand Bécassine grandit et trouve les traits de l'épatante Emeline Bayart, le projet se définit de plus en plus, et on tombe finalement sous le charme de ce petit film mineur. Il s'agit pour l'équipe habituelle de Podalydès de jouer comme des enfants, mais avec un sérieux irréprochable, renouant ainsi avec les ambiances désuètes de la BD. Il y a une grande candeur et une grande confiance dans la force toute simple des personnages dans le travail des acteurs, tous attachants, tous marrants. Bien sûr, au jeu de la naïveté, c'est Denis Podalydès qui s'en tire le mieux, dans le personnage pourtant peu engageant d'un grand bourgeois trop sérieux, passionné de découvertes scientifiques mais qui se fait piquer sa place de joli-coeur par un marionnettiste légèrement charlatan. Le film épouse d'ailleurs assez intelligemment son époque, enregistrant l'arrivée des nouvelles technologies (l'eau courante, le téléphone, le cinéma) et leur rendant leur aspect magique originel : Bécassine découvre ces inventions émerveillée, et ses inventions à elle (un lance-oeufs...) paraissent à la fois décalées et dans l'air du temps. La supposée idiotie du personnage est ainsi envoyée dans les choux, Bécassine apparaissant comme une fille simple mais pas simplette, bien finaude et maligne quand il le faut, mais simplement empreinte d'amour de tout ce qui l'entoure. Les autres acteurs, eux aussi, jouent à cheval sur un grand professionnalisme et une part de lâchre-prise enfantin, de Karin Viard à Michel Vuillermoz, et réussissent à fabriquer un film d'équipe, très cohérent dans le style qu'il a choisi, très amoureux des albums originaux, très confiant dans les histoires pourtant oubliées parce qu'un peu bêbête de la brave Bretonne.

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Le film se rattache aux autres films de Podalydès : toujours aussi naïf, toujours aussi joyeux et vif, toujours aussi poétique sur les petites choses du quotidien, Bécassine ne s'embarrasse d'aucune mode et d'aucune obligation de succès. Certes, il est aussi léger qu'une bulle, et ne restera pas dans l'histoire du cinéma ; mais c'est justement cette modestie, ce petit jeu avec le public, cette "suspension de l'incrédulité" qui en fait le sel. Quand la Tour Eiffel, symbole d'un ailleurs inatteignable, apparaît au bout d'un champ de blé, quand les personnages dansent avec des mannequins en bois pour faire croire à leur prospérité, quand le charlatan revient de son voyage en Amérique les poches gonflées de dollar, on a envie d'y croire, et on se laisse porter par la poésie prévertienne de ce mignon machin pour enfants, doux et délicat, jamais poseur et très sincère. Bécassine, c'est ma copine.

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