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31 mai 2019

LIVRE : Berlin secret (Heimliches Berlin) de Franz Hessel – 1927

9782226393319,0-3719947Eh oui, bien qu’on puisse cuistrement se proclamer spécialiste mondial de Jules et Jim (il y en a d’autres, malheureusement, et des meilleurs…), on doit reconnaître que l’on n’avait pas encore toute lu l’œuvre de Franz Hessel (Jules, pour les vierges) – je viens surtout de découvrir que depuis 1994, de nouveaux bouquins du sieur ont été traduits : hosannah. Nous voici donc face à une histoire qu’on pourrait appeler douce-amère, où il est question d’un Berlin fréquenté par des bons-vivants bien bourgeois (quand ce n’est plus, socialement parlant), des viveurs s’agitant sous l’œil d’un certain Clemens ; ce Clemens partage indéniablement certains traits et une certaine philosophie avec notre Franz (qu’il soit question de sagesse : « La vie est là pour toi, partout, gratuite à tout moment de la journée, mais ne t’embarque pas, jouis de tout, ne possède rien. La possession dépouille. » ou d’amour : « Et si elle (la femme de Clemens) en aimait un autre, il me faudrait aussi assister à cet amour. Ah, peut-être le spectateur aime-t-il avec plus d’intensité que l’amant ? Il est uni avec tous les objets que touche la femme aimée, il est sa couche, il est l’air qu’elle respire, il est tout ce que l’amant plein de désirs refoule. Et il finit par aimer l’amant et, étrange Polyphème, il les prend tous deux dans ses filets, Acis et Galathée »). Il est bien question ici (cela fait en plus assez vendeur), d’une sorte d’amour à trois (la compagne de Clemens flirte avec un jouisseur-branleur du nom de Wenderlin) même si cela serait un peu réducteur quant à l’intérêt du livre ; cet aspect est tout de même intéressant connaissant la suite des relations entre Hessel et Helen : Clemens, connaissant les envies et les besoins de liberté de sa femme, réussit ici malgré tout à la persuader de rester auprès de lui… Il ne pourra l’empêcher, dans la réalité, d’aller rejoindre à Paris Henri-Pierre Roché (Jim) – la fiction sert aussi à cela : adapter le monde à ses désirs…

On prend également ici un certain plaisir non seulement à goûter la prose proustienne de Hessel qui, au cours de longues phrases parfaitement fluides, fait preuve d’un art indéniable des détails (sur la ville, les tenues, le physique ou le caractère de ses multiples personnages) mais aussi à découvrir cette ambiance berlinoise des années 20 : on navigue, à l’image du personnage de Wenderlin, entre esprit festif, désir de voyages européens et une certaine « recherche amoureuse » ; contrairement au sage et posé Clemens, les personnages, homme ou femme d’ailleurs, sont plus dans un état d’esprit de « conquête amoureuse » (qui touche parfois au simple flirt) que dans la foi en l’amour absolu, éternel… Un beau visage et notre Wenderlin (déçu de ne pouvoir partir en voyage avec la femme de Clemens) de trouver rapidement une nouvelle déesse à laquelle il voudrait se vouer – un brin superficiel, tout cela, ma bonne dame. Hessel nous plonge en quelques chapitres et quelques heures (l’action est concentrée sur deux jours) dans ce Berlin d’alors en ayant l’art d’évoquer aussi bien les figures mythologiques de la Grèce antique et les textes classiques que l’atmosphère pétillante de cette ville in progress. Well done again Franz.

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