Brazil (1985) de Terry Gilliam
Revoir Brazil c'est un peu comme recroiser trente ans plus tard un vieux pote qui a méchamment pris des tempes grises, un type toujours aussi sympa et enjoué mais qui n'a pas beaucoup évolué non plus. Certes, le film n'allait pas se transformer avec le temps, soyons lucide. Mais c'est vrai qu'au niveau esthétique (même s'il a tout de même moins morflé que les autres œuvres des Monty Python en général), il parait aujourd'hui un peu cheap... eighties, quoi. Brazil, avant de faire semblant de faire la fine bouche du type non nostalgique, demeure une attaque en règle contre la connerie administrative et la chirurgie esthétique... Quel est le rapport me direz-vous ? Je sais pas, on pourrait dire que ce sont généralement des gens qui ont peur de la critique... OK ? Ça c’est fait. Oui, Brazil demeure un gentil petit brûlot pour dénoncer cette hiérarchie administrative qui nous écrase, une administration (Terry est à l'avant-garde !!!) qui fourre les gens dans des machines et les transforme en triste numéro... L'administration nous broie, voilà tout. Heureusement, il nous reste les rêves (Jonathan Pryce en petit mecton qui, chaque nuit, s'envole pour rejoindre sa blonde), la résistance (Kim Greist plutôt sexy avec ses cheveux courts) voire la rébellion (Robert de Niro déguisé en Mario Bros, qui fait des apparitions relativement anecdotiques en tant qu'acteur (à l'époque, il se devait de jouer dans tous les films un peu ambitieux, le bougre, quitte à n'être qu'une silhouette moustachue)). Ce petit trio tente de se dresser contre la macronie... En pure perte ? Hum...
Alors oui, esthétiquement, le film a perdu un peu de son impact... Au niveau "virulence politique", ce 1984+1, demeure engagé mais sans grande surprise non plus : les administrations, ce sont tous des méchants - à l'image de Michael Palin dont je ne me rappelais absolument plus (c'est rare de le voir dans le rôle de la putasse de service - mais il demeure toujours aussi excellent, en incarnant ce Jack au sourire carnassier). Jonathan dans sa petite voiture, avec ses petits fantasmes, se bat, se démène et lutte à sa façon contre ces grands gens gris et obéissants... Bon. Reconnaissons que ce que l'on a encore une fois préféré, (à cette énième vision, sachant que la dernière commençait à méchamment dater), c'est ce final en forme de faux happy end... Tout devait pourtant tendre à la réussite de Jonathan contre les forces du mal... On y croit et puis pfiuuttt le Gilliam nous démonte ce faux-semblant en un clin d'oeil. Tous ces petits espoirs s'effondrent comme un château de cartes comme s'il ne servait à rien de vouloir lutter. Une bien jolie touche de pessimisme qui fait plaisir : on résiste, on s'amuse, on y croit mais à la fin, on finira tous par se faire lobotomiser... Bien aimé, au passage, dans cette dernière ligne droite où Jonathan pense avoir retrouvé sa liberté, ce personnage incarné par de Niro qui se transforme en simple personnage de papier... et disparaît. L'héroïsme, c'est joli dans les fictions, les héros, c'est toujours rassurant pour les gens du commun... mais cela n'existe pas non plus vraiment. Une petite touche de cynisme assez bienvenue dans cette satire aux couleurs des eighties. Pas la claque, of course, reçue lors de sa découverte, mais une œuvre pour laquelle, malgré l'œuvre des années justement, on garde toute notre sympathie. Sacré Bertrand, t'as pas changé, hein.