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12 avril 2019

Des Nouilles aux haricots noirs (Kimssi pyoryugi) de Lee Hae-joon - 2009

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Sympathique variation moderniste sur le mythe de Robinson (un des titres du film est Castaway on the Moon), agréable comédie qui se tente d'une critique gentille de notre bonne vieille société de consommation, petit objet zen qui ne se prend pas tout à fait au sérieux, Des Nouilles aux haricots noirs est un film très attachant, maladroit et trop long sans doute, mais on ne peut plus recommandable si vous avez envie de passer deux heures hors du temps et des références. Il est en fait séparé en deux inspirations très emblématiques du cinéma coréen : le burlesque, et le fleur bleue. Il remporte beaucoup plus de point dans le premier genre que dans le deuxième, si bien qu'une bonne moitié du film (faites le calcul) convainc.

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Côté burlesque, voici donc Mr Kim, petit mec ordinaire criblé de dettes que la charmante fiancée vient de laisser tomber comme un vieux flan. Voulant en finir, le gars se jette dans le fleuve, mais échoue quelques dizaines de mètres plus loin, sur une île minable, à quelques brasses de la grande ville. Piètre nageur, privé de téléphone portable, notre bon gars va devoir s'habituer à vivre sa robinsonnade avec cette cité à portée de main. Si au départ l'exil se fait contre son gré, il apprend peu à peu à vivre seul, et s'attache à sa solitude. Grande idée que ce petit personnage abandonné de tous, qui apprend à survivre grâce aux déchets plastiques de la ville qui viennent s'échouer sur la plage. L'aventure n'a rien de glamour, et pourtant il y a dans cette pathétique solitude forcée quelque chose de très beau, comme un portrait en creux de tous ces déclassés invisibles de la société de consommation irrefrénée. L'acteur, l'hystérique Jun Jae-Young, ajoute une dimension assez tendre aux gesticulations et aux inventions improbables de son personnage. Le réalisateur sait jouer avec habileté des balances entre trivialité et poésie, à l'image de ce plan où le héros est en train de chier bruyamment, puis est soudain happé par la vision d'une fleur qui le ramène immédiatement à l'enfance. Notre gars se sert de tout ce que le plastique peut lui apporter, monte un abri avec un gros pédalo en forme de canard, se fabrique des chaussures avec des bouteilles d'eau, en véritable déchet lui-même perdu au milieu des déchets, et transforme cette île pourrie en paradis personnel. Si bien qu'on s'attache peu à peu à ce loser patenté, jusqu'à être secrètement ému devant ses échecs (une scène proche de celle du ballon de volley dans Cast Away qui marque des points) ou complètement en empathie avec lui dans son désarroi. Bref, cette partie-là est très réussie, drôle, inventive, secrètement émouvante et pas si con.

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Malheureusement, Lee Hae-joon a aussi un côté "Amélie Poulain" caché, et il décide que c'est ici l'occasion de le faire sortir. Il invente donc un autre personnage, gamine autiste et assez crispante qui s'éprend de notre exilé à distance. Le film devient alors très improbable, le personnage n'est pas crédible ni marrant : elle prend le bonhomme pour un extra-terrestre (alors qu'elle a bien la trentaine à vue de nez), rivalise d'ingéniosité pour quitter son appartement sans être vue (mais pourquoi ? on ne sait pas), et entretient une relation toute en non-dit avec Monsieur Kim, qui n'en demandait pas tant. Pas assez confiant dans sa trame, Lee charge son film d'un côté poétique enfantin très gavant, et se perd dans des aventures sans intérêt et un personnage tête à claques. Le final est très décevant compte tenu de la belle rigueur et de l'invention du concept de base, et même si on perçoit derrière tout ça un contexte plus politique qu'il n'y paraît (les rencontres se font autour d'un moment suspendu, qui corespond au test des sirènes prévues en cas d'attaque nord-coréenne), on reste déçu par le manque de radicalité du film, qui ne tient pas toutes ses belles promesses.

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