LIVRE : Les Confidences de Marie Nimier - 2019

Au premier abord, on peut penser que Marie Nimier a choisi la voie de la facilité pour son bouquin, une voie qui évite d'avoir à trop réfléchir sur son inspiration. La dame développe en effet un concept (déjà vu plein de fois d'ailleurs) un peu paresseux au départ : elle sème dans les rues de la ville des affichettes : "écrivain recherche des témoignages", et elle attend que les histoires viennent à elles. Et elles viennent effectivement, par dizaines, drôles, édifiantes, terribles, anecdotiques, passionnantes, inintéressantes, singulières, tristement banales ou émouvantes. Nimier s'installe dans une pièce à la décoration spartiate (juste une plante verte), les yeux bandés, et ne fait qu'écouter ces voix, sans prendre de notes, en simple récepteur de ces témoignages. Il s'en suit un troublant rapport entre les interlocuteurs, qui constitue un des charmes de ce livre droit et sans chichis. Peu à peu, celle qui écoute devient aussi importante que ceux qui parlent, et on se rend compte que le livre est peut-être plus complexe que ce que son dispositif un peu simplet annonçait. Toute cette humanité qui vient se déverser devant elle finit par la troubler outre mesure, les règles du jeu vacillent, et la dernière confidence sera la sienne propre, ce qu'elle visait peut-être sans le savoir depuis de début. En attendant ce déclic, on suit avec intérêt ces petites histoires, qui constituent comme des nouvelles, riant devant l'incongruité de certaines (le vol d'un foulard fantasmatique, dont j'ai adoré ce petit détail : il sentait l'herbe coupée), inquiet par la brutalité d'autres (une étudiante qui se prostitue), haussant le sourcil devant l'émotion inattendue d'autres (la vente d'une poire pourrie à une aveugle), touché par la sincérité d'autres encore (une lettre perdue d'Ho-Chi Min). Et on voit le témoin de toutes ces histoires se tourner de plus en plus vers elle-même pour questionner son propre rapport au témoignage, à ceux qui viennent raconter. Les Confidences n'est pas le livre du siècle, non, il y manque de la consistance, il est parfois un peu trop fuyant et rapide, il y manque aussi un vrai style et un concept un peu plus costaud, mais on en ressort avec l'agréable sensation d'avoir côtoyé, l'espace de quelques expériences, la vraie vie de nos contemporains, et de l'avoir fait au travers d'un roman simple et juste.