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1 mars 2019

LIVRE : Nino dans la Nuit de Capucine & Simon Johannin - 2019

9791030410112,0-5520883Il y a quelque chose de touchant dans l'écriture de Simon Johannin (épaulé cette fois-ci par sa femme ? sa soeur ?), quelque chose de délicatement adolescent qui, dans les meilleures pages, marque des points. Après L'Eté des Charognes, le voici arpentant à nouveau les chemins de l'adolescence rebelle, et le faisant avec la frontalité qui s'impose, sans souci de pudeur, et avec le romantisme fiévreux que cet âge (ingrat) induit. Nino est un jeune branleur d'aujourd'hui, entendez qu'il se fait désormais peu d'illusions sur l'avenir de l'homme et sur les vessies qu'on nous fait passer pour des lanternes, et qu'il compense cette déception par de vigoureuses taffs de pétards, par l'allumage de tête à la coke en soirées, par des petits boulots alimentaires et ingrats, et par l'amour pour sa belle. Car il n'y a pus que ça aujourd'hui de valable : se défoncer, aimer et attendre que ce bon vieux monde touche à sa fin, frappé par la mondialisation à tout crin, la cupidité, la bêtise et l'envie des contemporains, en tentant de temps en temps d'alimenter le compte en banque de quelques euros qui permettront de tenir quelques jours de plus. Ah si, autre chose semble résister dans cette gabegie : l'écriture, que les compères pratiquent façon commando. Elle constitue un des derniers remparts de la Beauté, et les Johannin la prennent au sérieux. Nino dans la Nuit est un livre, donc, très écrit, très stylisé, qui sculpte le style, qui sent le labeur et la sueur sous les bras ; les auteurs ne s'épargnent pas pour nous donner de la littérature façon feu d'artifice. Parfois, c'est brillant : dans les dialogues notamment, impeccablement simples et droits, qui parviennent en quelques mots à imposer une langue, un personnage, un milieu social, une situation. Les Johannin ont le goût du détail pathétique, certaines situations rappellent les grands losers américains, dans cette lutte sans sens pour le travail, dans la misère noire qui devient finalement un vecteur de lutte pour la survie, une manière de se tenir face au monde sans rien devoir à personne, acceptant parfois les règles du jeu mais pour mieux les envoyer paître par la suite. On apprécie vraiment quand le roman est raconté tout simple, sans fioritures, avec une amertume poignante qui ne se cache pas sous les circonvolutions stylistiques. Le personnage principal en ressort attachant en diable, vrai petit mec contemporain, et petite insulte à peine dissimulée à la face de notre monde marchand.

Ça marche hélas beaucoup moins bien quand les gusses se piquent de faire dans la poésie urbaine et se laissent aller à la surenchère d'effets un peu ringards. C'était le défaut du roman précédent, mais on mettait ça sur le compte de la fougue des premiers livres. Là, ça devient un peu gavant, cette écriture qu'on croirait sortie d'un disque de Lomepal, avec ces accès de romantisme suranné maquillé derrière des formules hyper cool. En gros, on ne comprend rien aux sorties de Nino sur l'amour, alambiquées, crâneuses, pleines de bons mots fatiguants. Dommage, ça gâche beaucoup ce roman qui, sans ça, aurait été d'une belle simplicité. A se prendre trop au sérieux, les Johannin passent à côté.

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