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Shangols
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11 janvier 2019

LIVRE : Lunar Park de Bret Easton Ellis - 2005

bret_easton_ellis_lunar_parkBret Easton Ellis est bien l'un des auteurs les plus déjantés et brillants de sa génération; il nous revient après le quelque peu dédalesque Glamorama en pleine forme dans cette auto-fiction qui n'en est jamais vraiment une : hallucinations en tout genre, scènes gores, polar fantastique, dédoublements de personnalité... après un premier chapitre où il revient sagement sur ses oeuvres passées, on entre de plain-pied dans une fête d'Halloween qui part méchamment en pépins de citrouille : si tout le monde se gave de drogue et d'alcool dans cette Amérique définitivement à la dérive, si notre pauvre Bret est partagé entre sa femme et des amours coquines, tout en passant son temps à se battre contre un bizarroïde oiseau à plumes mécaniques destructeur, le roman n'en demeure pas moins sur le fond un puissant récit sur la mémoire du père, la transmission et les rapports au fils, et un mirobolant livre sur la création. Cela fait beaucoup, me direz-vous, mais Ellis en a sous la plume pour se permettre les visions les plus surréalistes, un suspens qui tient en haleine jusqu'au bout et une grande émotion lorsqu'il s'agit de tenter de décrypter les rapports humains. Ce Lunar Park semble définitivement venir d'une autre dimension, d'un autre temps, et on va pas s'en plaindre. Ellis, lis-le, l'anagramme est évident.   (Shang - 22/02/08)


727190Envie de revenir à la base de la littérature ces temps-ci, et relecture admirative donc de ce bouquin fondamental, un de ceux sûrement qui ont fait prendre un virage aux Lettres américaines en leurs temps. Ellis, après déjà maints chefs-d'oeuvre, entreprend cette fois de travailler l'auto-fiction, et sert un livre complètement novateur dans le genre. Lunar Park raconte une partie de sa vie, et ment allègrement, tout en floutant complètement la frontière entre réalité et fiction, en cultivant une ambiguïté délicieuse ; d'autant que le bougre trousse une histoire fantastique parfaitement effrayante, qui a tout du cauchemar. Ce subtil et savant mélange entre les faits et l'imagination tresse un roman inquiétant, hanté, torturé, et en même temps hilarant et profond : pudique, Ellis parvient ainsi mine de rien à raconter de bonnes vieilles frustrations et de bons vieux dénis, tout en fabriquant un roman très agité, haletant et passionnant.

Le roman précédent, l'ultime American Psycho, imprègne cette histoire : quelques années après l'avoir écrit, en plein succès, devenu chouchou des médias hype, Ellis se retrouve rattrapé par cette sombre trame. Un tueur erre dans le quartier, suivant scrupuleusement les étapes du roman, déguisé en Patrick Bateman ; de plus, le fantôme de son père, modèle caché du serial-killer qu'il créa, refait surface, et vient hanter la peluche de sa fille ; l'enfance d'Ellis vient également le torturer, transformant sa maison, faisant revivre les dessins torturés qu'il produisit enfant. Tous ces événements, conjugués à ses addictions (alcoolique, drogué et obsédé sexuel, l'auto-portrait est à charge), viennent quelque peu troubler la quiétude de sa vie familiale, notamment avec sa femme comédienne et son fils adolescent qui le prennent pour un dément. L'histoire s'enfonce ainsi dans le fantastique, dans l'horreur, allant même jusqu'à convoquer une troupe d'exorcistes tout droit sortie de Ghostbusters, de plus en plus troublante ; si on se moque, au départ des délires de cet écrivain à la mode, envapé du matin au soir, on se retrouve vite comme lui happé par ces apparitions effrayantes et ces événements sanglants, qui jouent avec subtilité entre rêves, fiction, autobiographie et réalité. Ellis joue à être Stephen King, et parvient en un livre à enterrer complètement son modèle : Lunar Park est effrayant, le gars gérant à merveille les moments où l'horreur vient infiltrer la quiétude de ce petit quartier pavillonnaire huppé. Il suffit d'une voiture garée devant sa maison, ou d'une fissure dans un mur pour qu'on ait peur. De ce côté-là c'est superbe, d'autant que le bougre sait mêler à ces atmosphères hantées un humour très cynique et amer qui fait merveille. Le regard qu'il pose sur son existence fait presque autant froid dans le dos que les attaques de monstres ou les phénomènes inexpliqués qui jalonnent sa vie. Il a compris que l'humour, le grand-guignol,le grotesque ajoutent à l'angoisse.

Cette histoire rocambolesque est l'occasion pour Ellis de parler de son rapport à la paternité. Non seulement vis-à-vis de son propre père, avec lequel il règle une fois pour toutes ses comptes, mais aussi vis-à-vis de ses liens avec ses enfants. Ellis s'y montre totalement immature, incapable de gérer le quotidien, en recherche d'un amour pour son fils qu'il n'arrive pas à éprouver. Une façon pudique de questionner la maturité de cet écrivain dandy qui a cramé sa vie par tous les bouts, et qui arrive ainsi à un tournant de son existence. Ce questionnement transforme le livre en roman hanté, non seulement par les fantômes concrets, mais aussi et surtout par la dépression, par l'auto-analyse. Le monde décrit ici n'en reste pas moins effrayant, avec ces enfants drogués dès le plus jeune âge par les anxiolytiques, avec ces adultes immatures, avec ces rapports sociaux superficiels, avec cette chasse au fric irrépressible : un portrait de la mondialisation, et un portrait de l'auteur en son sein, qui reste un livre fun et palpitant. Une merveille.   (Gols - 11/01/19)

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