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15 décembre 2018

Les Veuves (Widows) de Steve McQueen - 2018

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Venant d'un cinéaste qui se montre partout comme un représentant du style et de la forme, Les Veuves est un film étonnamment classique, et on est à deux doigts de le trouver même carrément transparent. Le truc semble tout droit jailli de ces trucs un peu fades qu'on voit à la télé, et on cherchera en vain les inspirations (plus ou moins pertinentes, il est vrai) du McQueen de Hunger ou Shame. C'est exact : le gars cherche de temps en temps à rappeler qu'il sait faire dans l'esbroufe, et nous donne un ou deux plans-séquences, dont un très beau sur un périple en voiture. Mais l'ensemble est tout de même bien classique, et ce n'est pas cette fois dans la forme qu'on trouvera notre bonheur. C'est un peu dommage, parce que côté trame, on est dans le traditionnel aussi, même si j'avoue que j'aime beaucoup les films de casse.

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Bon. Un groupes d'hommes rate un hold-up et se fait dézinguer en bonne et due forme. Leurs veuves, harcelées par les voyous du coin qui leur réclament remboursement, se voient forcées de reprendre le flambeau et d'envisager, malgré leur amateurisme et la faiblesse inhérente à leur sexe (...) de faire le casse du siècle, à l'intérieur de la luxueuse villa d'un politique. McQueen charge en plus ses personnages d'un fort symbolisme d'émancipation puisque chacune d'entre elles représente une minorité spoliée par l'Amérique : la black, la latino, la bimbo. Ces dames, au milieu d'un monde d'hommes peu connus pour leur galanterie et leur délicatesse, vont devoir se fournir en van, en guns et en couilles pour réussir leur coup. La préparation de l'acte est tout aussi importante que l'acte lui-même, puisque pression leur est mise par un groupe de tueurs peu amènes, et que la ruse qu'elles devront déployer pour obtenir telle ou telle info est compliquée par la menace des gusses. Un pitch propice à toutes les grimaces d'actrices et aux doses de suspense de rigueur, et effectivement on va y avoir droit : les comédiennes, par ailleurs sympathiques, rivalisent de mâchoires serrées et de moues paroxystiques pour bien montrer qu'elles en bavent, et McQueen se charge d'en rajouter en filmant tout ça avec un sérieux papal. C'est peut-être le gros manque du film : la distance, qui fait clairement défaut au bonhomme, l'humour, le relâchement de temps en temps. Là, tout a l'air super grave et super flippant, on n'est pas là pour rigoler. Admettons, mais on peut trouver aussi que dans un genre aussi fun et aussi balisé, la mise à distance peut faire du bien. Mais en fait, ce qui intéresse plus McQueen, ce n'est pas tellement le casse mais la place des femmes, de couleur qui plus est, dans un monde d'hommes. Il y va donc un peu fort de l'homme brutal et fourbe et de la femme forte et déterminée. On reconnaît bien là les pincettes en béton armé de l'auteur de 12 Years a Slave : ça tâche à tous les niveaux au point de vue de la psychologie des personnages, enfermés dans les a-priori bien pensants de la différence des sexes.

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Passons également sur la somme de scènes inutiles posées là pour l'esbroufe. Certes, on se demande à quoi diable sert ce personnage de bras droit psychopathe qui vous dézingue 30 figurants au p'tit déj, si c'est pour (attention : spoiler) l'envoyer ad patres en deux secondes sans qu'il ait mis aucune pression aux héroïnes ; ou la raison pour laquelle on s'amuse avec nos nerfs avec une fausse torture de brave chienchien (en lequel on reconnaît une réincarnation de Proutouie, te voilà prévenu, mon gars) si c'est pour le déposer sagement au chenil par la suite ; ou même la raison d'être de ces troubles tergiversations politiques portées par un Collin Farrell sacrifié (et pourtant excellent), qui n'amènent rien à la trame. Passons donc, j'ai dit, sinon on va croire que je n'ai pas aimé le film. Au contraire : dans toute la partie "préparation du casse", on passe un moment assez agréable et tendu, et dans son exécution on va de surprise en surprise jusqu'au final. Finalement, on est un peu contre McQueen : lui voudrait faire un spectacle plein de répercussions politiques, un truc ultime, un grand film d'art ; et nous on apprécie le petit côté vintage et fun de la trame, et on va chercher un autre seau de pop-corns.

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