Et Dieu... créa la Femme (1956) de Roger Vadim
Et Vadim créa le bon vieux nanar français familial teinté d'érotisme. Heureusement grâce à la pellicule Eastmancolor, les couleurs sont belles, le drapeau français recomposé peut faire péter toute sa superbe (photogramme ci-dessus), le Sud, putaing, n'a rarement paru aussi jouli et beau. Les Américains adorent ce bleu de la mer si français, ce blanc savon marseille si français, ce rouge pétant des robes de Brigitte si français.
Et Vadim créa un Jean-Louis Trintignant tout petit, une espèce d'avorton à côté de la masse Christian Marquand qui d'ailleurs ne se prive pas pour filer des beignes à son cadet. Mais le Jean-Louis, on le sait, est un rebelle, il parvient à épouser la Brigitte, à rendre coup pour coups en cas de baston (il donne un coup de poing, il s'en prend huit en retour), à faire le mariole avec un gun à la main (mouais, fait pas vraiment le poids non plus) et à remporter finalement la partie de la manière la plus glorieuse et mâle possible : un double aller-retour dans la tronche de Brigitte pour qu'elle file droit et le respecte enfin. Quel homme, Jean-Louis, qui, par la suite, il est vrai, sera moins adepte des gifles.
Et Vadim créa en avant-garde le scénario (plus raté) de Teorema : une jeune femme carénée comme un bolide qui s'introduit dans une famille pour tenter de se taper les trois frères. Forcément, cela ne va pas plaire à la madre qui va se mettre dans une colère noire, mais noire...
Et Vadim créa une resucée du vieux beau en l'occurrence Curd Jürgens : il a les temps grises, il a dorénavant tout son temps pour coincer de la minette, il a la thune, il a pas de principe, il devrait avoir la femme - sauf si cette dernière est vraiment trop sotte pour voir son intérêt à long terme.
Et Vadim créa la poupée de cire poupée de son, belle sous toutes les coutures, nue dès le départ pour qu'on remarque les lignes, belle à se damner dans sa robe rouge passion, belle dans sa longue jupe verte dont tous les boutons s'ouvrent sur un coup de vent, belle quand elle se baigne habillée et que miracle tout devient transparent, belle quand elle se caresse les cuisses en dansant, belle quand elle danse sur une table... Merde, elle pense guère, tout ce qu'elle veut c'est s'amuser bordel ! Quelle jeunesse décadente que celle de la fin des années 50... Mon Dieu, heureusement qu'on est devenus un peu plus rigoriste et sérieux.
Et Vadim créa la mode et le mythe de Toulong, Niceg, Saint-Tropezg, ces villes où tout le monde parle avec un petit "g" sur le bout de la langue mais où les maisons du bord de mer, même en ruines, s'habillent de couleurs vives.
Et Vadim créa des dialogues un rien machistes, des réparties un rien bêtasses pour les jeunes femmes écervelées : un scénario cousu main pour en faire le film préféré des Femens.
Et Vadim créa un petit film avec pas grand-chose mais qui fit de la Brigitte, déjà sans âme, the body of the century. Joli nanar tout bien pesé parfaitement conçu pour plaire à nos amis outre-atlantique qui ne savent pas faire la part des choses entre une vessie et une lanterne.