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28 août 2018

Satan (The Penalty) de Wallace Worsley - 1920

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S'il est un rôle dans lequel le brave Lon Chaney excelle, c'est bien dans celui du handicapé aigri, rendu méchant par sa tare physique et par les hommes qui du coup le rejettent façon déchet. Le gars fut ou sera paraplégique, bossu, manchot, ici il est cul-de-jatte, et on ne peut pas dire qu'il y gagne en amour pour l'humanité. Suite à une bête erreur médicale, il est en effet amputé des deux jambes ; il en nourrira une rancune tenace envers le toubib qui ordonna l'opération, et un dégoût profond de l'humain. Devenu roi de la pègre locale, il dissimule de sombres plans de braquage sous la quiétude d'une usine de fabrication de chapeaux, et dans l'ombre manipule façon Mabuse sbires patibulaires et espionnes girondes. C'en est trop pour la police qui infiltre une de ses meilleures inspectrices dans l'usine pour découvrir le pourquoi du comment des agissements de ce salopard de Blizzard ; elle en sera pour ses frais, puisque la belle tombe raide dingue du charme sulfureux de Lon, comprenant qu'il dissimule derrière ses grimaces sataniques un petit coeur qui bat et une douleur rentrée. Parallèlement, celui-ci parvient à se faire engager comme modèle pour une statue de Satan gravée par la fille-même du toubib responsable de son handicap : sa vengeance se mange froid (27 ans d'attente) mais risque d'être terrible.

▶ The Penalty (1920)

On est là face à un petit trésor caché, un de ces films à l'ancienne qui arrivait à imbriquer ensemble plusieurs récits assez complexes, plusieurs personnages fouillés, le tout en produisant une oeuvre esthétiquement forte. Ça ne va sûrement pas aussi loin que Tod Browning dans l'exposition toute crue de la monstruosité (morale et physique), mais ce Worsley a en charge un scénario assez profond, que ses acteurs interprètent avec une conviction qui leur fait honneur. Le personnage central, le maléfique Blizzard donc, est un homme ambigu, complexe, bourré de contradictions : il est certes méchant comme un putois, sadique, machiste et cruel, mais sa méchanceté lui vient de cette faille originelle, son amputation inutile, cachée qui plus est par un corps médical bien connivent. Dans la dernière bobine du film, pour le coup assez ratée, qui cherche le happy end et la moralité avec beaucoup d'efforts, le personnage se métamorphose en prince de l'élégance et de la gentillesse, pour bien montrer qu'il avait ça en lui aussi ; Chaney est moins à l'aise dans le rôle. Mais même pendant sa phase monstrueuse, Blizzard est un personnage aux mille facettes, as du piano (géniale idée que celle d'engager des donzelles pour s'occuper des pédales du piano : elles sont à la fois complices et humiliées par leur position inférieure), génie du Mal, intelligent critique d'art, et son charme glamour fonctionne à fond.

penalty hats

Le film déploie autour de lui des seconds rôles remarquables, entre le docteur torturé par sa faute et la sculptrice mettant en jeu son Art contre son mariage. Le plus fort étant cette inspectrice infiltrée, qui tombera sous le charme de Blizzard : il faut la voir hésiter à balancer aux flics son amant/bourreau. Le tout est filmé dans des décors parfaitement mignons (soulevez une dalle et un bloc opératoire secret s'ouvre devant vos yeux), avec un souci de la lumière qui peut évoquer les expressionnistes (les gros plans sur le visage tordu de Lon Chaney, les escaliers secrets...). Le montage est parfois un peu laborieux, le film patine aux deux-tiers, mais on s'en fout, tant on prend de plaisir à regarder Chaney bosser comme un malade (ce type est né sans jambes, c'est pas possible) pour être le plus odieux possible et rendre compte de la complexité de son personnage, un des plus intéressants de sa prodigieuse carrière.

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