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Shangols
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GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
22 janvier 2020

To be or not to be (1942) de Ernst Lubitsch

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Delightful ! Delightful ! On aura beau essayer de tourner la chose dans tous les sens, le fait est, Lubitsch a la classe et l'intelligence... Ce qui me fascine encore le plus en revoyant pour la énième fois To be or not be, avant même de s'attarder sur le fond, c'est la perfection de la production ; chaque décor (même lorsqu'il apparaît deux secondes à l'écran) semble avoir été soigneusement pensé et dessiné (même si la plupart du temps cela sent le studio à plein nez, tout est beau, même la neige) ; chaque figurant semble avoir été choisi et on ne lésine jamais, même si cela, là encore, ne va durer que quelques secondes à l'écran (la séance finale dans le théâtre), à lâcher les chevaux : il en faut mille, ben ils seront là. Ceci dit, lorsqu'on ajoute à cela la beauté de l'image (Rudolph Maté, pas le dernier des pingouins), la science absolue du montage (Dorothy Spencer, je ne sais pas qui c’est mais je veux bien l'épouser - je suis très open actuellement comme vous avez pu le remarquer), le sens du rythme... Bref encore une œuvre qui défile à deux cents à l'heure et durant laquelle on a à peine le temps de reprendre son souffle (c'est sûr que le Hong Sang-soo à côté... mais ne soyons pas mesquin).

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On est en 42 et Lubitsch sort l'artillerie lourde pour dézinguer avec un humour saignant et osé les nazis. "Les camps de concentration ? Ce sont les Allemands qui font la concentration et les Polonais le camping" - ah oui, de quoi faire pâlir quelques longues années plus tard même un Desproges. Lubitsch ridiculise, tourne en dérision ces salopiots de nazis, mais toujours avec finesse, avec une pointe d'ironie légère qui fait mouche... Ah mais l'histoire ? Est-on obligé d'y venir ? Sachez qu'il sera question de contrer un espion allemand, un certain Stanislav Sobinski, qui a entre ses mains tous les noms des résistants polonais : une affaire plutôt tragique qui va nécessiter les stratégies les plus farfelues, les plus dingues pour la mettre à bas. Tout est ici question de faux semblants puisque Lubitsch met en scène des acteurs de théâtre qui "jouent aux nazis' (pour le spectacle, au départ, mais ensuite aussi dans la "vie réelle") et des nazis si ridiculement théâtraux (toutes les séquences avec Heil Hitler sont très caustiques) qu'ils finissent par n'apparaître que comme des doublures d'êtres humains. Le pari était risqué (et le film fut d'ailleurs semble-t-il à sa sortie un échec) de se moquer de façon si directe, si brutale, de ces fous furieux de SS. Mais Ernst, on le sait, a le don et son film parvient, même dans les instants les plus casse-gueule (les apparitions d'Hitler... ou de son double) à provoquer un soupçon de sourire chez son spectateur, autant dire qu'il l'illumine par son intelligence finaude.

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On rit des comédiens qui cabotinent mais qui, finalement, resteront toujours un ton en-dessous, face à ces marionnettes nazies qui surjouent l'obéissance crasse. On serre des fesses devant chaque situation impossible (Carole Lombard (tout en charme vaporeux), résistante, qui joue soudainement les adeptes nazies ; son mari, Jack Benny (excellent ici), qui n'a de cesse de jouer avec des postiches au risque de sa vie (et qui, même dans les moments les plus tragiques, continue de se prendre pour le meilleur comédien du monde). On admire enfin cette façon de toujours glisser subrepticement une allusion à Shakespeare, dont les citations passent ici comme une lettre à la poste. Toutes ces scènes où ce comédien de seconde zone fait son Shylock sont absolument remarquables, touchent aux tripes. On est constamment entre rire et drame et Lubitsch parvient magiquement à maintenir cet équilibre instable de bout en bout. Plus l'on s'enfonce dans le tragique (Benny menacé par une arme), plus Lubitsch parvient à dégoupiller en une demi-seconde la tension (Benny, entendant un coup de feu, qui mime la mort... alors qu'il n'a même pas été effleuré). To be or not to be s'impose comme une merveille de double jeu, une merveille de dynamisme (je mettrai ma main au feu que Truffaut connaissait le film par coeur et a volé dans Le dernier Métro quelques plans au maître (notamment ceux dans le quartier de la Gestapo)), une merveille de subtilité à triple fond (cinéma / théâtre / Histoire). To like. Definitely.   (Shang - 24/08/18)

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Bon, inutile d'en faire plus, Shang est bien assez énamouré comme ça pour que je ne rajoute pas ma louche de délice face à ce film parfait. Je note donc simplement que je me suis bien marré moi aussi, convaincu par la suprême élégance de la mise en scène, qui n'en fait pas trop et sait user d'un humour raffiné et délicieux. On a un peu tous les registres de comique là-dedans, de la grosse farce de régiment aux jeux de mots, du comique de situation à l'absurde, et tous sont parfaitement gérés, tous sont agréables, jamais on ne tombe dans le douteux ou le mauvais goût (alors que le sujet et le contexte pouvaient se prêter à toutes les déviances). Acteurs parfaits, rythme au taquet, montage au millimètre, mise en scène supérieure, bon, mon camarade a tout dit : c'est très très grand.  (Gols - 22/01/20)

 The Criterion Collection

Commentaires
H
Et pourquoi alors eut-il tant besoin d'Helen Scott durant les entretiens avec Hitchcock ? Il suffit d'entendre ceux-co pour se rendre compte qu'il comprenait peut-être partiellement l'anglais, tout au plus. Ses efforts tout au long de sa vie l'ont sans doute fait progresser (même s'il déplorait que ce ne fût pas le cas), mais bilingue ? Sûrement pas. Au fait, où se lisent-ils, ces échanges épistolaires en anglais avec Julie Christie, son amour pas si secret que ça — et qui, par ailleurs, parle français ? Ce n'est pas publié, ça ne figure pas dans la grosse correspondance de Truffaut publié chez Hatier et ça ne se trouve pas dans le fonds Truffaut de la Cinémathèque, j'aimerais donc découvrir cette rareté.
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J
Truffaut maitrisait parfaitement l'anglais malgré un accent épouvantable.<br /> <br /> Sa mairise de l'anglais lui a d'ailleurs permis de jouer dans "Close Encounter" et de tourner quelques films en langue anglaise.<br /> <br /> <br /> <br /> Il a dit 2 ou 3 bêtises sur le cinéma anglais dans ses jeunes années de critique atrabilaire.
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H
Par ailleurs, je confirme : Truffaut avait constamment en tête 'To Be or Not to Be' lors de l'écriture du 'Dernier Métro'. J'en suis même venu à me demander si telle péripétie autour d'un jambon caché dans un violoncelle qu'on retrouve dans la planque du metteur en scène juif n'était pas un souvenir très contourné de la fameuse réplique à double sens : « How dare you to call me a ham ? » Mais bon, ce serait étonnant dans la mesure où Truffaut n'est jamais parvenu, à son grand dam, à maîtriser l'anglais...
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J
Oups, désolé, j'ai confondu Pierre Fresnay et Pierre Niney. Les deux noms se ressemblent un peu mais Pierre Niney ne joue pas dans "Le Corbeau"... <br /> <br /> C'est bien ¨Pierre Niney que j'ai croisé aux pieds de la basilique d'Angers, emmitouflé dans une parka jaune, je mangeais une crèpe au nutella quand il est passé...<br /> <br /> Avec mes excuses pour cette petite erreur...
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J
Oui, Pierre Fresnay, le corbeau du film de Clouzot, vous connaissez je suppose...<br /> <br /> Chacun peut dire ici qui il a croisé, non? Vous c'est Jean Sorel et Sandrine Bonnaire, moi c'est Pierre Fresnay. Vous lui en voulez toujours d'avoir collaboré?..
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