Ceux qui servent en Mer (In Which We Serve) (1942) de Noël Coward & David Lean
Noël Coward est pratiquement à tous les postes (même compositeur, le gars) pour ce film de propagande de bonne tenue qui rend un vibrant hommage aux petits gars de la Marine. Le découpage scénaristique est lui assez basique : Coward et ses hommes mitraillent à tout va sur leur fier navire ; les bateaux boches coulent, les avions boches s'écrasent, les bougies boches s'éteignent les unes après les autres... On se dit qu'ils vont gagner la guerre à eux seuls avant qu'une méchante bombinette ne les atteigne. Dans une mer d'huile noirâtre nos hommes nagent et se raccrochent à un canot qui prend l'eau ; le temps est alors venu pour de bons vieux flashs-back sur la vie passée de nos hommes, Noël en tête et notamment à la période de... Noël (eheh je suis impayable). Du grand classique pour montrer la petite vie quotidienne de ces hommes, ces Anglais tranquilles qui ont tous, non pas la victoire en eux, mais un potentiel de héros : servir dignement leur pays est un honneur.
Avant de me faire un peu plus mou dans l'adhésion, notons le remarquable gris et noir de l'ami Ronald Neame (la restauration est tout autant miraculeuse) qui pète tout particulièrement lors des scènes nocturnes (la magie du cinoche qui s'est éteinte avec la venue de la couleur (même si certaines nuits américaines valaient le détour) et surtout le numérique, j'ai plus assez de larmes dans mon corps). Un marin lâche délaissé par un groupe de marins sur le pavé, deux amoureux qui s'enfoncent dans la nuit, c'est juste beau esthétiquement, à défaut de prendre totalement aux tripes. Ensuite, on peut relever l'abattage indéniable du courageux Coward avec son débit, en symbiose avec son destroyer, de mitraillette. On sent que le type aurait pu faire du mal dans le rap. Droit dans ses bottes, sérieux comme un pape, doté d'un humour à froid à peine givré, il dirige ses hommes et son navire de main de maître. Dommage qu'il soit finalement un peu trop à l'image de ce film, un peu trop carré, attendu, brut. Même si ces flashs-back nous montrent la vie anglaise de son temps avec moult détails, l'ensemble de ces saynètes n'est guère vibrant. On frémit heureusement un tantinet avec la rencontre en train entre le coincé Shorty (John Mills) et la belle et douce Freda (Kay Walsh) : un brin de fébrilité, de timidité, une pointe de romance qui donne au film - enfin - un peu de charme. Le couple "parfait" formé par Coward et sa femme (avec leurs deux gosses habillés comme des cierges un jour de communion) finissant un peu par taper sur les nerfs... Sa femme sort juste une fois un peu de ses gonds en avouant sa jalousie envers... le bateau de son mari - mais sa dévotion est telle qu'elle rentre très vite dans le rang après cet excès, qui dure à peine deux secondes, de #balancetonport. C'est la guerre, on va la gagner, un peu de dignité et de droiture putain. Une œuvre au final sans véritable surprise, un peu longuette même, mais très sobre et juste sur l'approche de son sujet (des hommes au front solidaires et une vie de famille anti-punk). Propre, un peu terne dans le fond, mais sublime photo.