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17 mai 2018

Tilaï d'Idrissa Ouedraogo - 1990

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Encore une fois la simplicité faite film avec ce cinéma qu'on croirait des origines, signé par le grand Ouedraogo. Plus que jamais notre gars importe depuis ses études à l'étranger des tas de références tous azimuts, le western, le film noir, la tragédie grecque, le documentaire à la Rouch, pour nous raconter une histoire bien de chez lui, fortement ancrée dans la tradition du cinéma africain. Saga revient après plusieurs années dans son village natal, pour y retrouver sa gorette Nogma. Mais entre temps, la belle a été mariée de force au père de Saga, tout le village a dit amen, et notre compère passe plus ou moins pour un paria pas désirable. Le dilemme de la petite Nogma s'annonce terrible : va-t-elle respecter la tradition de la communauté, ou va-t-elle céder à son amour ? Il faudra en passer par la pendaison du beau-père, par la trahison du frère, et par un ou deux morts pour qu'on finisse pas se rendre à la situation : les traditions, bon sang, c'est terrible.

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Ouedraogo convoque toute sa famille (pas moins de 22 Ouedraogo sont crédités au générique) pour donner tout son éclat à cette tragédie sous soleil éclatant. Le film prend son temps, et se montre implacable pour pointer du doigt les vieux atavismes pourris et la pression du groupe pour saccager un amour. Au milieu de toute cette bassesse, nos deux tourtereaux s'aiment naïvement, se préservant une part d'Eden dans cette austère histoire. Le cinéaste affronte frontalement les coutumes de son pays, dénonçant des traditions arriérées et encore en vogue, affirmant la puissance de l'individu face au groupe, et enregistrant tristement son échec final dans cette société fermée de tous côtés par les vieilles générations et les codes d'honneur antiques. On est dépaysé, certes, et même franchement scié par ce village minuscule, où les disputes éclatent à ciel ouvert, où les règlements de compte se font en trois coups de cuillère à pot, où tout le monde se connaît et médit à qui mieux mieux, où l'intimité est publique, et où l'inceste passe sans problème. On l'est aussi par la sobriété du filmage et le naturel irrésistible des acteurs non-professionnels. On l'est pourtant beaucoup plus par la mise en scène de Ouedraogo, modèle de rigueur qui pourrait passer pour un western moderne ; mais un western beaucoup plus terrien que céleste, dirais-je, puisque la caméra est très souvent placé en hauteur, en légère plongée, pour occulter les ciels et mettre en valeur le sol, le sable, la terre. Une option géniale, qui écrase les acteurs (de nombreux plans larges où les personnages sont comme de petites fourmis dans ce décor uni) et exacerbe le fatum de cette histoire. Entre obédience aux règles de son cinéma d'origine (simplicité, sobriété) et admiration pour le cinéma américain, le bon Idrissa nous livre un film très triste, à la fin brutale, un peu désespéré, qui pourrait bien être un des classiques de son pays.

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Commentaires
S
"Tilaï", c'est "Shakespeare in Burkina". <br /> <br /> C'est beau, 2 ans après "Yaaba", de proposer une tragédie universelle parce que très ancrée dans le carcan de la société des villages burkinabés ! Même l'interprétation est, cette fois-ci, touchante.<br /> <br /> Un très beau film africain.
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