Everybody knows (Todos lo saben) d'Asghar Farhadi - 2018
De retour à Madrid à l'occasion d'un mariage, la désormais argentine Laura (Penélope Cruz) retrouve son amour de jeunesse, Paco (Javier Bardem). Entre eux c'est fini, même si la complicité est toujours là, et malgré l'ambiguité résidant dans l'absence du mari de Laura pour ce voyage. Au cours de la cérémonie, la fille de Laura est enlevée. Ce dommageable événement va alors ouvrir la porte à tous les remuements du passé possibles, à tous les doutes envisageables : qui a enlevé la petite Irene, et pourquoi ? Chacun remue ciel et terre pour faire éclore la vérité, surtout ce pauvre Bardem dont les cernes s'allongent au fur et à mesure du film.
Dit comme ça, ça pourrait passer pour une série de l'été sur TF1. Seulement c'est ce bon vieux Farhadi à la caméra, et sa direction d'acteurs, l'application à la mise en scène, la très belle construction d'ensemble, les décors et les atmosphères aux petits oignons, le sens du détail, font de ce film un solide suspense psychologique et familial qui vous tient en haleine sans problème pendant 2h15. Sur ce scénario un peu usé, le gars parvient à nous passionner, et à nous intéresser pour des rebondissements faisandés sur des questions de paternité, de jalousies et de coucheries. Pas dénué de longueurs, pas toujours passionnant il est vrai, un peu répétitif, Todos lo saben est pourtant diablement prenant. D'abord parce que, malgré la différence de culture, Farhadi filme l'Espagne avec beauté, en évitant les clichés de cartes postales. La première demi-heure, consacrée à cette noce, est débordante de vie, presque déconnectée de la suite, comme si le compère avait voulu attraper quelque chose de l'exubérance espagnole, en même temps que sa lumière (le très beau décor onirique du clocher d'église). Ensuite, il filme parfaitement bien aussi cette ruralité pleine de secrets inavoués, ces petites villes où tout le monde se connaît, où chacun cache des petites bassesses. Le scénario tient gentiment debout, les soupçons vont tour à tour sur chacun des protagonistes, et la résolution est presque un peu décevante au vu de notre imagination débordante. Mais après tout, peu importe qui est coupable : ce qui compte, c'est les coups de tonnerre familiaux que cet enlèvement à déclenchés, la remise en cause de chaque personnage. Farhadi a à sa disposition le velours des acteurs espagnols : Penélope Cruz en madone fatale, Ricardo Darin en mari digne, et Javier Bardem en homme désespéré, pris entre son ancienne maîtresse qu'il aime toujours, sa femme, son domaine acquis de façon plus ou moins louche et ses responsabilités parentales, ainsi que tous les seconds rôles qui tiennent parfaitement leurs rôles et font beaucoup pour le plaisir de la chose. Bon : on est sûrement là face au moins bon Farhadi, un peu académique, un peu trop "grand cinéma", mais ça reste un film tout à fait agréable, bien tendu comme il faut, et tout à fait recommandable.