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11 avril 2018

Hospital de Frederick Wiseman - 1970

HOSPITAL-web2050

Nouvelle excursion en vase clos pour Wiseman, qui choisit cette fois-ci les hauts murs d'un hôpital de New-York pour nous livrer son enquête de l'intérieur habituelle. C'est encore une fois génial. Avec une distance très juste et en même temps mystérieuse (on se demande vraiment comment le gusse arrive à filmer des moments de vérité aussi intenses, à être là au moment où ça se passe, à capter ainsi les remous du monde en ne filmant qu'un petit détail), la caméra attrape des instants de vie, captés à l'arrache mais cadrés avec une concentration toujours scrupuleuse : le calme au sein de la tempête, voilà en gros ce qu'on voit là-dedans. Car la vie quotidienne du Metropolitan Hospital est pour le moins agitée, entre petits bobos pas graves et grands drames, entre opérations à coeur ouvert et discussions psys, entre véritables damnés de la terre venus vivre leurs derniers moments dans ce lieu et zombies lacérés de coups de couteau. Wiseman filme tout, accorde de l'importance à tout, peut passer de longues minutes à scruter fasciné un coeur battant ou une conversation douloureuse entre un prostitué homo et un psy puis ensuite regarder une infirmière tourmentée par un bébé maltraité, puis ensuite suivre un cours sur le cerveau ou une engueulade au téléphone d'un médecin en colère contre un centre d'accueil. C'est cette volonté d'exhaustivité, qu'on retrouve dans nombre de films du compère, qui fait la marque de son regard : le plus grave et le plus banal se côtoient, et dessinent un univers complet.

Hospital

De ce chaos désordonné, de cet antichambre du désarroi, de la misère humaine, de la douleur, deux séquences se dégagent. Celle, donc, du prostitué, tenant un discours sidérant sur "le mal" qui le ronge, sur son "anormalité", devant un médecin qui justement lui fait part de son absence de jugement ; et celle, longue, entre ridicule et terreur, d'un jeune étudiant des Beaux-Arts qui a dû prendre un bien mauvais acide, en pleine crise de paranoïa, et qui finira par propulser des jets de gerbe à travers l'hôpital. Le monde extérieur est donc convoqué dans ce lieu si fermé, si secret, le monde des années 70, avec sa xénophobie, son racisme, son refus des autres, avec ses drogues qui traînent, ses hippies et ses jeunes gens intrépides. Les lieux que filment Wiseman, de toute façon, sont toujours poreux à la vie extérieure, ce qui en fait finalement des films plus politiques que ce que leur "subjectivité" apparente veut faire croire. Au détour d'une courte séquence, on voit bien que les pauvres, dans les Etats-Unis d'aujourd'hui, seront toujours plus mal traités que les autres, et que le système médical est un système de sélection assez monstrueux, malgré les efforts des médecins. Une nouvelle fois, un remarquable film en immersion, éprouvant et douloureux : l'enregistrement par Wiseman du monde et de ses terreurs par le biais de ses institutions se poursuit et se porte bien, merci.

ho_-_man_in_wheelchair

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