Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
16 septembre 2018

Mektoub My Love : Canto Uno d'Abdellatif Kechiche - 2018

"Mais comment ça, tu veux me photographier nue ? C'est pour ton petit plaisir, hein ?
- Pour le tien aussi.
- Mais non.
- Mais si."
(Harvey Weinstein Abdellatif Kechiche)

mektoub01

Effet Palme d'or ou pas, grosse tête ou pas, voilà en tout cas un film consternant réalisé par un cinéaste que j'aimais beaucoup jusque là. Auréolé de sa gloire, Kechiche a les clés de la bagnole et champ libre pour laisser parler ses pulsions : le résultat est un film dégueulasse et bâclé, crapoteux et paresseux, chiantissime et vulgaire. Rien que ça. Tout est raté là-dedans, du scénar à la mise en scène, du regard aux acteurs, et on se dit que cette fois on aura bien du mal à garder son admiration (je me souviens d'avoir été le seul à défendre La Vie d'Adèle contre une armée de femmes très en colère).

mektoub_a

Kechiche prend le risque de filmer le vide, comme a pu le faire Rohmer en son temps, et avec un autre talent. Il documente ainsi le quotidien de Amin, apprenti scénariste, photographe, qui passe ses vacances à Sète au milieu de la famille et des petites gonzesses en maillot de bain. Sorties en boîte, conversations sur la plage, moments de drague, jalousies et trahisons, rigolade et petits jeux de séduction sous le soleil : on se croit dans Plus belle la Vie, d'autant que les dialogues sont à peu près au niveau. On comprend l'intention, celle d'un hyper-naturalisme, d'une observation presque documentaire de la réalité, une ambition héritée de Jean Renoir (qui fait ici son apparition par des allusions fines à son père) et qui a donné parfois de belles choses. On voit même aussi comment Kechiche en est arrivé là, à force de travailler le plus de réalisme possible chez ses acteurs débutants, de filmer inlassablement et pendant de longues heures le vide pour y dénicher, de temps en temps, un éclat de vérité. Mais la longueur déraisonnable de Mektoub My Love (3 heures, et on nous annonce des suites !) annule toute tentative d'expérimentation : au bout de deux scènes exsangues, complètement privées d'intérêt scénaristique, où on contemple des petits jeunes discuter sur qui sort avec Tony et qui trompe Rachel, on tombe dans une hébétude qui ne nous quittera plus : on sent bien que le film n'ira pas plus loin, qu'on n'aura pas droit à plus d'intérêt par la suite, et qu'il nous faudra ronger notre frein en suivant les aventures minables de ces dragueurs du dimanche et de leurs proies féminines. Le manque d'intérêt est criant : rien à extirper de ces conversations quotidiennes, pas de regard sur une communauté, pas de discours sur les rapports de sexe, pas de réflexion sur l'enfance et la liberté. On pense tour à tour à chacune de ces pistes, mais elles s'enterrent sous la banalité totale de ce qui est raconté. Kechiche a de toute évidence laissé ses acteurs en roue libre pour improviser les dialogues : on en ressort assommé par l'inanité de la chose.

76036_ppl

Il y a pourtant peut-être (et ce, malgré l'adaptation d'un roman de Bégaudeau) des pistes autobiographiques à suivre : on est à Sète, ville de Kechiche, dans la communauté tunisienne, et on est en 1994. Mais Kechiche ne se donne même pas la peine de dessiner un contexte concret et viable à son film. De Sète, on ne verra que des arrière-plans flous, le décor est inexistant, et seule la (jolie) lumière parvient à rendre compte du côté méridional de la chose. La communauté tunisienne est esquissée à gros traits caricaturaux. Et surtout, cette année 1994 est un gros foutage de gueule : les nanas parlent une langue inconnue à cette époque ("ouah, il est trop beau"), évoque les téléphones portables, portent des costumes anachroniques, leurs rapports avec les garçons sont aberrants pour l'époque. Sans jamais travailler les motifs de l'époque (un poster du Grand Bleu, et on n'en parle plus), le gars n'en fait qu'un motif sans sens. (J'ajoute, pour être un peu pointu, qu'on me souffle dans l'oreillette que l'agnelage n'a jamais lieu en été ; ce qui n'empêche pas le bougre de filmer une brebis faire un petit (seul plan d'ailleurs un peu vrai dans le film), et ce en plein mois de juillet.)

topelement

Tout ce pseudo-réalisme, tous ce scénario absent, toute cette mise en scène pataude, tous ces plans en caméra portée fatigants, ne sont en fait qu'au service d'une seule chose : filmer des culs et des nibards. Car c'est bien de ça qu'il s'agit au fond, et le regard salace que Kechiche jette sur ses jeunes et girondes comédiennes vient contredire tout son cinéma depuis La Faute à Voltaire. Il cadre les filles toujours à partir du cul, les filme en contre plongée, les montre en train de prendre des poses lascives (et danser le twerk... en 1994), se cogne complètement de leurs visages : seule leur partie inférieure l'intéresse. Incroyable qu'en 2018, en pleine affaire Weinstein, un mâle arrive encore à sortir un film aussi libidineux, portant sur les femmes un regard aussi concupiscent, ne s'intéressant à elles que pour leur aspect physique, les renvoyant à leur crétinerie de pouffes que pour filmer en long en large leur boule. On pourrait croire que ce sont des plans "subjectifs", l'illustration de l'obsession des garçons qui les entourent et qui n'arrivent pas à penser à autre chose qu'au sexe. Mais même dans les moments où aucun garçon n'est dans la scène, la caméra descend et cadre des culs, des culs, des culs et encore des culs. Célébration des corps ? il aurait alors fallu filmer les garçons de la même manière. Mais le film est hétéro à l'ancienne, le lesbianisme est un fantasme, la femme un objet et une nympho un peu dindasse, l'homme un crétin assoiffé de sexe. Voilà la vision de la jeunesse, et de la vie tout court, véhiculée par ce film. Il a peut-être raison de temps en temps, mais on ne saurait réduire les rapports homme-femme à cette misère. Kechiche filme comme un porc, pour reprendre un terme à la mode. C'est terrible à dire, mais le fait est. On quitte la salle très mal à l'aise, avec une vague envie de gerber, et revoyant à la baisse les scènes de cul de La Vie d'Adèle, qui étaient peut-être bien déjà annonciatrices de ce regard dégueulasse. Détestable.  (Gols 10/04/18)

mektoub-film


vlcsnap-2018-09-16-15h43m27s809

Je gardais solidement en tête la chronique de Gols avant de "mâter" ce dernier opus de Kechiche - tout en étant prêt, en toute mauvaise foi, à le contredire. Malheureusement, oui, c'est vrai, on ne peut que déplorer ce regard affreusement con-cul et piscent du pauvre Abdel, qui ose parfois même changer d'angle en plein milieu d'une prise pour avoir son petit cul bien de face. Petit cul, cul moulé, cul en poire, cul imposant, ce film est un véritable pendant au zizi de Pierre Perret... Plus le jean est court, plus la fesse déborde (j'ai dû louper un truc en 94 !!!), plus le Kechiche semble rayonner de joie. Je dis bien le cinéaste (enfin l'ex cinéaste) car le héros de son film aussi vif qu'une tanche et aussi bavard qu'une carpe regarde tout cela d'un oeil alangui, comme s'il y avait bien que les moutons qui le faisaient bander (pourquoi, sinon, ce reportage de trente minutes sur la naissance d'un mouton ? Parce que son héros n'arrive pas à acoucher d'une décision ou tout simplement parce que Kechiche n'arrive pas à accoucher d'une idée ?). Du cul donc mais finalement bien fadasse tant les personnages à la jolie plastique ont la même profondeur que ces poupées et ces poupons de téléréalité dont l'on aperçoit ici ou là, lors d'un zapping, toute l'inculture bêtasse et la connerie crasse (des implants de cerveau seraient peut-être plus utiles que des implants mammaires - sauf si, après cette période de gloire merdique nabillesque, les jeunes femmes décident de se reconvertir en allaiteuse pour fromagerie).

vlcsnap-2018-09-16-15h44m28s604

Kechiche filme tout, en longueur, des dialogues aussi inintéressants que des commentaires de partie de pétanque. On se croirait parfois dans un film écrit par Laurent Wauquiez où tout propos intelligent est irrémédiablement banni. Ce pauvre héros beau comme un Dieu, con comme un cierge, vogue de femme-île en femme-île, des femmes idiotes prêtes à se mettre à genoux pour recevoir un simple regard sexué. Un peu comme l'été que j'ai passé en 94 à Aurillac où les chèvres, cependant, remplaçaient les femmes de Kechiche-kebab (tout le monde n'a pas la chance de vivre au bord de la mer et d'avoir un corps d'Apollon : la pratique du tennis de table ne m'ayant permis de n'avoir qu'un poignet souple et des nerfs d'acier). Mais je dérive, je dérive tant j'ai bien du mal tout comme mon comparse à trouver des choses solides et aimables dans cette production superficielle de trois heures. La mère du héros dit vingt mille fois la même chose (tu t'amuses, mon fils, tu branles rien, hein) avant de se faire virer du plateau, un gros lourd chauve soul comme un oncle ne cesse de laisser traîner ses mains grasses sur des gazelles connes comme des licornes, des brochettes de culs se trémoussent en boîte pendant la séquence la plus chiante de toute l'histoire des reportages d'investigation de TF1 sur les chiennes de boîtes (sans aucun lien de parenté avec les chiennes de garde), et tout cela pour s'achever comme cela avait commencé avec notre héros qui emballe la fille qu'il avait croisé trois heures avant sur la plage : on va chez toi, tu fais des pâtes et puis après on se montre notre cul, non ? Générique de fin. Kechiche, à force que l'on dise de lui qu'il est un génie, filme tout ce qui passe à hauteur de son téléphone portable en soufflant aux acteurs la directive suivante : habille-toi comme une pute, bouge, et raconte tout ce qui te passe par la tête. A la fin de la scène, tu roules une pelle à ton partenaire le plus proche et ça fera une séquence de plus dans la boîte. Mektoub Mon Cul.  (Shang 16/09/18)

vlcsnap-2018-09-16-15h46m31s056

Commentaires
B
Oui, pourquoi? Suis-je bête... Ou même juste "Le Train sifflera trois fois" ... Ça m'apprendra (à prendre des vessies pour des lanternes?)
Répondre
B
J'ai emmené un vieux pote à moi, un Chibani - il avait pas mis les pieds dans un cinéma depuis 15 ans - voir "Mektoub My Love" pensant lui faire plaisir... J'ai vite déchanté, j'étais plus que gênée, j'avais carrément honte et lui m'a fait la grâce de ne rien voir, de ne même pas faire un commentaire... On est vite allés boire un café. Liliane Breuning
Répondre
F
Hello Hamsie, petit coup de fleuret (sans doute guère moucheté) de la part de la Boulange, rétrospectivement pas très finaud, certes, et usant d'un lieu commun usé jusqu'à la moelle... pour rester dans les raccourcis simplistes (ce qui est finalement de circonstance pour un tel cinéma), on se contentera de dire qu'Honoré & co sont les réalisateurs d'une époque (ça passera), chiants et prétentieux.<br /> <br /> Allez, au moins je ne suis point trop mauvais joueur ! No hard feelings, pal?
Répondre
H
Bobos et « petit occidental décadent », je retrouve là une petite musique déplaisante, prête à l'emploi et déjà entendue dans les commentaires de ce blog. Et je sais qu'écrire risque de me classer d'emblée dans les catégories en question. Pas de problème, je veux bien, tant je déteste l'emploi péjoratif (je n'irai quand même pas jusqu'à dire « stigmatisant ») de ce terme, « bobo », néologisme désormais vieux mais toujours aussi irritant. Je le veux bien même si c'est assez ridicule au regard de mes origines familiales, de mon mode et de mon train de vie. Un peu (toutes proportions gardées, et sans oublier qu'à moi personne ne pose la question !) comme Chaplin qui refusait de dire qu'il n'était pas juif, bien qu'il semble bien qu'il ne le fût pas.<br /> <br /> <br /> <br /> Et si on disait simplement qu'Honoré est un cinéaste assez faible, peu intéressant et très prévisible malgré la pseudo diversité des registres de ses films ?
Répondre
C
Hey Boulange, on n'a pas compris le truc de "jaloux" ! C'était quoi ?
Répondre
Derniers commentaires