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4 avril 2018

Le Roi des rois (The King of Kings) de Cecil B. DeMille - 1927

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C'est Pâques, on révise donc ses classiques avec les aventures trépidantes de Djizeuss et ses 12 acolytes dans la Jerusalem guère ouverte aux nouveaux prophètes du début de notre ère. On connaît par coeur les épisodes, depuis la résurrection du bon Lazarre jusqu'à la trahison de Judas, depuis "Laissez les petits enfants venir à moi" jusqu'aux détails de la crucifixion, pour peu qu'on s'intéresse un minimum à la chose. Mais DeMille revisite chaque épisode avec un tel sens du spectacle qu'on les redécouvre avec intérêt (et un peu d'amusement ironique, il est vrai), bluffé par la précision démente que le gars met là-dedans, par l'utilisation de la propagande et du prosélytisme, par le sens de la mise en scène tout simplement.

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DeMille ressemble à ces réalisateurs omnipotents (Kubrick, Hitchcock, PT Anderson, Yorgos Lanthimos), ceux qui contrôlent tout, ceux qui sont prêt à recommencer une scène dantesque pour peu que le figurant du 3ème plan est mal coiffé, ceux dont le cinéma, au final, est sous maîtrise totale... quitte à étouffer un peu la chose. Mais The King of the Kings est si beau qu'on ne voit que rarement ce défaut apparaître. On se rend bien compte que le gars choisit systématiquement la voie la plus spectaculaire, la plus chère, la plus baroque pour s'exprimer : le moindre petit geste du Christ ou la moindre pâmoison de Marie-Madeleine est densifié comme dans une toile de maître, accompagné des grandes orgues, de 2000 éléphants et de 15 figurants qui tournent leurs yeux au ciel en signe de soumission et d'éblouissement. Mais on se dit en même temps qu'il fallait bien ça pour parvenir à édifier le public de 1927, et que le film y gagne indéniablement en dignité et en grandeur s'il n'y gagne pas en sobriété. Allons-y donc pour les grandes orgues. La foi de DeMille ne fait aucun doute : le Christ a fait tous les miracles qu'on dit (et même pas mal d'autres non relatés par les apôtres, si on en croit le film, qui les aligne comme des perles), il est fils de Dieu mort pour nos pêchés, et tous ceux qui pensent le contraire sont des félons au regard sournois qui complotent politiquement pour sa chute. DeMille ne s'épargne rien pour nous convaincre de la grandeur de son héros, et pense ses plans comme une série d'icônes religieuses : les gestes sont stylisés avec une force énorme, les acteurs sont disposés dans le plan comme dans les toiles mystiques de la Renaissance, les poses des figurants sont pensées jusque dans leur moindre détail pour mythifier les personnages. Chaque plan est pensé en termes visuels pour produire le plus d'effets possibles, chaque petit élément qui rentre dans le cadre est réfléchi pour exprimer le plus de force possible ; et quand ça ne suffit pas, on envoie carrément la couleur (sur les séquences du début, où les ors de la maison de Marie-Madeleine sont mis en valeur par les plumes roses, le tout peint à la main, magnifique ; sur les torches des tortionnaires du Christ, seul élément coloré, comme des petits points qui condensent la violence ; mais aussi sur la dernière demi-heure, superbement mise en relief par un patient travail de teinte de la pellicule, résultat bluffant), on balance des animaux exotiques (zèbres et léopards), ou on explose le décor dans tous les sens (la scène impressionnante du déluge qui suit la mort de Jésus).

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Même avec un coeur complètement athée, on ne peut qu'admirer le travail graphique opéré par cette fresque historique tonitruante. DeMille se met au service de l'Eglise et est définitivement l'homme de la situation, sa sincérité est indubitable, sa force de frappe implacable. Certes, dans le scénario, on est plus dubitatifs, et il faut quand même être un fervent croyant pour adhérer à ce Christ tout de perfection, croire en ses agissements magiques et accepter ses phrases paolocoehliennes qui peuvent vouloir dire tout et son contraire. Aucune nuance dans le scénar, aucun doute, que de la foi aveugle ; et même quand le gars traite du rôle politique de Jésus, il le fait en noircissant outrancièrement le tableau, et en envoyant la politique aux enfers. On rigole un peu devant les illumintaions béates de DeMille et sa naïveté bigotte, mais on respecte complètement ce sens du spectacle qui habite le film, et on reste baba devant la perfection formelle. Un film magnifique à regarder.

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