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Shangols
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2 juillet 2018

Jusqu'à la Garde de Xavier Legrand - 2018

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Un nouvel arrivé dans le cinéma français, et une entrée fracassante dans la cour des grands. Il est rare de tomber sur un premier film aussi maîtrisé, et, même si Legrand était déjà l'auteur d'un court-métrage épatant (Avant que de tout perdre, brouillon de Jusqu'à la Garde que je vous conseille ardemment), on reste baba devant la tenue de ce film de genre sans genre, qui déploie une mise en scène d'une constante justesse. Le gars se promène à la lisière du film d'horreur, toujours à deux doigts d'y verser complètement, mais tient le fil jusqu'au bout : pas de sang là-dedans, pas de violence véritable (à part à la toute fin), mais une manière géniale de faire monter la tension, de faire bouillir le lait jusqu'à la limite du débordement. Le film gère en effet parfaitement ses effets, sachant toujours l'endroit exact où il faut couper pour ne pas en faire ou en dire trop. Il s'agit d'une histoire tristement banale : un couple qui se sépare dans la haine, parce que lui a été violent, parce que elle a fini par refuser la soumission ; mais entre eux, il y a le môme, qui va servir de monnaie d'échange et de victime sacrificielle au mépris que se vouent les parents.

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La première scène montre la justice objective à l'oeuvre : très longue séquence de plaidoiries des avocats devant le couple quasi-mutique. Et déjà la tension s'installe : Miriam (Léa Drucker, parfaite) est enfermée dans sa peur, raide comme un piquet ; Antoine (Denis Ménochet, parfait) est une boule de rancune, de jalousie et de perversité au bord de la rupture. La séquence est a priori presque banale, exposant les griefs de l'un et l'autre, mais rien que dans les champs/contre champs d'une fixité morbide, les rapports de force se dessinent, et l'enfer que va vivre Miriam s'annonce. La justice tranche, raisonnablement, et on sent qu'elle fait là une erreur fatale. Dès lors, le film ne va pas raconter grand-chose d'autre, juste la garde partagée, les visites d'un père de plus en plus présent, de plus en plus pressant, de plus en plus menaçant, jusqu'à l'implosion. Le gars a le droit pour lui, et les fauves sont alors lâchés. Il se transforme peu à peu en ogre incontrôlable, puis en Nicholson dément, par la force de petites saynètes innocentes en surface mais tendues à mort en profondeur : il suffit à Legrand de filmer des conversations dans une voiture, bouleversées par une ceinture de sécurité mal mise ou par un téléphone portable, pour que la violence intrinsèque se déploie, sans jamais vraiment éclater. Jusqu'à la Garde fait peur, tout simplement, sans effets, en restant toujours dans un quotidien crédible. La longueur des scènes y fait beaucoup (splendide séquence de fête d'anniversaire, où la banalité est polluée par la présence de l'ogre aux alentours), le choix des points de vue (exercice si délicat au cinéma) aussi : le regard du spectateur épouse celui du petit môme, envoyé au casse-pipe par une mère trop terrorisée, par des parents dans le déni, par des beaux-parents bêtement colériques, par une soeur ailleurs. La scène finale explosera le film, mais toujours Legrand restera dans la maîtrise, jamais il ne tombera dans le grand-guignol ou l'horreur pure.

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Brillant exercice de style, donc. C'est là que je place ma seule réserve : ce style est au service d'un film un peu creux, qui ne dit après tout pas grand chose. On en ressort comme on y est entré, sans avoir eu l'occasion de réfléchir à une thématique ou à des personnages. Juste impressionné par cette violence, juste avec l'impression d'avoir côtoyé l'horreur pendant 1h30. Ce qui est déjà pas mal. En tout cas, voilà le film le plus impressionnant de ce début d'année : le film de genre à la française est en train de renaître, les enfants.   (Gols 02/03/18)


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Voilà, sans vouloir renier ce qu'en dit joliment Gols, sur les deux premiers paragraphes, de ce bel exercice de style dardennesque à la Frenchy, il n'en reste pas moins que je le rejoins surtout sur le troisième : le film est un peu creux, comme faussé d'avance. Le sujet, en soi, est bougrement intéressant - une bonne vieille putain de séparation avec enfants à la clé (une spécialité personnelle récente, dit-il en passant et en frôlant le bitume). Le problème ici, après une première scène équilibrée où comme le dit justement la juge aux deux adultes : c'est à celui qui racontera le plus gros mensonge, c'est qu'on reste peu dans la demi-mesure ; le jugement ne tarde pas à tomber après cette présentation des protagonistes : balle au centre, garde partagée, pourquoi pas... Seulement voilà, on se rend compte très rapidement que le père est juste un gros connard ; on veut bien au départ lui donner le bénéfice du doute (il est diablement stressé, sa femme l'empêche systématiquement de voir ses gosses, les monte sûrement contre lui...) mais il faut rapidement se faire une raison : il n'est ni amable, ni aimant, il est violent physiquement (avec sa femme) et affectivement (à part un "mon coeur" lancé ici et là à son gosse, il lui parle comme un chien) et d'une mauvaise foi qui ferait passer la mienne pour une blague Carambar. Bref, il devient de plus en plus pesant, lourdingue, un véritable gros con très dangereux (et le problème avec les chasseurs, c'est qu'ils ont vite un fusil à la main en cas de litige ; le problème est moindre chez le pongiste, par exemple). L'escalade se fera.

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Alors oui, la mise en scène est fluide, prenante (le film passe comme une balle pour sanglier), la caméra de temps en temps portée l'est toujours à bon escient mais on grimace un peu devant cette démonstration constamment à charge - méfions nous, nous dit-on avec une tonne de tact, de ces hommes dominants, touché en plein coeur, qui essuie au besoin une petite larme avant d'aller chercher le char d'assaut pour écraser consciensieusement toute la famille ; le titre semblait subtil, il ne l'est finalement guère : il est, à l'image du film, un peu grossier. La tension dramatique ne fait certes que grandir mais l'on se détache dans le même temps de ces personnages qui n'apparaissent que comme des marionnettes sans grande profondeur psychologique : l'homme destructeur (et costaud comme deux bucherons canadiens) face à la frêle et fragile jeune femme qui prend tout sur elle... On est forcément déçu tant l'on s'attendait sur ce sujet (devenu que trop commun) à beaucoup plus de nuances, de réflexion et de subtilité... Dans l'état le truc est tout juste bon pour un Dossier de l'Ecran des années 80 où l'on psalmodierait à bobonne restée au foyer devant son petit écran le besoin, pour les gamins, d'être élevés par maman. Trop réducteur malgré un emballage "plaisant".   (Shang 02/07/18) 

Commentaires
F
Un honnête reportage de FR3.
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S
Elle le regarde pas de haut, elle le regarde plus... et elle se contente surtout de faire la tronche, la Léa... Pas un film à débat, mais avec une thèse, trop claire justement.
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G
Ah mon gars, comme je te suis pas sur ta lecture très partielle, si si, de cette histoire. Si effectivement l'homme est un con, la femme est super énervante avec ses mines stressées et ses airs très supérieurs. Le jeu de Léa Drucker est super fin, justement, et on sent que la violence du mari n'est pas seulement dû à une monstruosité facile, mais que cette colère est montée aussi à cause de cette femme qui le regarde de haut. Non non non je reste sur mon impression : c'est un excellent film de cinéma, et pas un film à "débat" justement.
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J
triste de votre part de défendre une telle merde
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C
Oui, taquin et avec (un gramme de) mauvaise foi: il m'arrive, moi aussi, d'avoir les mêmes poussées d'adrénaline béates devant certains desdits films... mais en secret.
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