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9 février 2018

Le dernier Tango à Paris (Ultimo tango a Parigi) de Bernardo Bertolucci - 1972

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Le slogan pro-mai 68 de Bernardo Bertolucci prend la forme d'un film brûlant, qui parle du changement de société et de style par les corps et le sexe. On connaît pire comme vision. Alors, oui, Le dernier Tango à Paris a vieilli un peu, est plein de défauts et de kitscheries, est parfois poseur et ennuyeux ; mais on ne peut qu'admirer l'audace de Bernardo à l'époque, et son abord franc des fantasmes cachés de la société de l'époque : le film a choqué, a fait parler, a fait se hérisser les poils, mais gageons qu'il a aussi déplacé un peu le curseur de nos interdictions sexuelles, et qu'il a contribué à la libération des moeurs chez nombre d'ados de l'époque.

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Le film organise le passage d'une génération à l'autre, d'un type de personnage à l'autre, d'une société à l'autre, et sûrement d'un cinéma à l'autre. A ma gauche, Marlon Brando, taulier du cinéma hollywoodien, dans le rôle d'un veuf américain désespéré traînant ses guêtres à Paris, et croisant sur son passage Maria Schneider, de 30 ans sa cadette ; ensemble, ils vont vivre une histoire physique intense, dans un appartement en friche, sans rien connaître l'un de l'autre. A ma droite, Jean-Pierre Léaud, représentant le nouveau cinéma et l'après-68 (qui apparaît à l'écran sous la forme de graffitis encore bien visibles), cinéaste lunaire et romantique amoureux de Maria, et rêvant de réaliser un film ultime sur elle, un portrait garrelien en mouvement ; ensemble, ils vont projeter le mariage et affronter avec effroi leur passage à l'âge adulte dans une scène magnifique. Soit donc un acteur mythique, vieillissant, perdu dans une ville qu'il ne connaît pas, à moitié clochardisé, mais en charge de la partie sulfureuse et romanesque du film, face à la jeune génération, empêtrée dans son cinéma intello et ses problèmes d'identité, mais en charge de la partie légère du film. Au milieu, cet appartement ni tout à fait quitté, ni tout à fait habité, et ces scènes de sexe cru, avec pour victime sacrificielle l'Actrice, censée faire le trait d'union entre les deux.

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Dans des ambiances marronnasses pas très avenantes ("beau" travail sur la photo), Bertolucci orchestre un ballet macabre de corps, fantasmatique et voué à l'échec. On sent que cette histoire d'amants qui ne connaissent rien l'un de l'autre pourrait donner une très belle histoire de sexe, mais le gars enferme ses personnages dans un système de dominant-dominé qui refroidit toute ardeur et enferme le film dans la morbidité. Brando, assez génial dans son cabotinage, est filmé comme un être froid, recherchant par tous les moyens un dernier frisson (l'interdit sexuel) avec une petite jeune (Schneider n'est pas une terrible actrice, c'est bien dommage). Il est l'archétype du personnage en pleine quête identitaire, compensant l'angoisse de son existence par des expériences extrêmes et sans sens. Plus "déconnectées", moins concrètes, les scènes avec Léaud sont le contrepoint rêveur de cette dépression : le personnage est léger, aérien, mais parfois bien troublant lui aussi (il veut "tout" filmer sans distinction, et on peut y voir aussi une critique de Bertolucci sur le nouveau cinéma)...

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Tout ça s'organise dans le clair-obscur un peu glauque des rues de Paris. Ça donne parfois des scènes malaisées : les personnages secondaires sont souvent hystériques, pas très intéressants (la concierge-Charon de l'immeuble, la belle-mère trop niaise de Brando), et le film a esthétiquement vieilli. Les "jeux" sexuels du couple (usage personnel du beurre, insultes à base de porc et de vomis assez intéressantes, doigts dans le fondement de l'acteur principal) paraissent aujourd'hui assez innocents (ou alors c'est moi ?), même si on se doute que filmer ça à cette époque était inconsidérément sulfureux (et encore plus aujourd'hui : le film ne sortirait même pas). Brando est visiblement en roue libre, parfois génial, parfois à côté de la plaque, mais habite littéralement le film, Bertolucci peut le remercier, car sa mise en scène est parfois hésitante, pas très en place. Mais il parvient tout de même à livrer un machin parfaitement morbide, plein de grands moments, et surtout qui déclenche le malaise, et provoque tout à fait comme il était de bon ton de provoquer à l'époque. De ce fait, un film pas très attachant, mais qui a compté dans l'histoire, et qui a un petit peu fait avancer les choses...

Commentaires
A
Ouaifff, moi le beurre, je m'en sers surtout en cuisine...
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G
Bah le film a dû être assez nouveau dans sa manière sans fard de filmer la sexualité, de montrer en tout cas des gens sans frein, qui vivent leur sexualité pleinement et "sainement". C'est pour ça que je trouve qu'il a un peu bougé les curseurs de ce qu'on pouvait ou pas montrer à l'écran.
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A
Quel est le sens de "fait avancer les choses" ?
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