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29 janvier 2018

LIVRE : Taqawan d'Eric Plamondon - 2017

72dpi-taqawan_plat1-f1fef497348716dff5d385b847565c38Eric Plamondon est un auteur québécois, ce qui a le mérite d'être plutôt rare dans nos contrées et qui donne en plus la dose d'exotisme qu'il nous fallait en cet hiver rigoureux. Adepte des phrases courtes, des rythmes rapides, des chapitres ramassés, le gars nous offre un roman réussi, point de convergence entre plusieurs inspirations : une veine historique, puisque le livre raconte en partie la vie et les moeurs du peuple Mig'maq, braves Indiens des origines qui ont vu, à force de lois absurdes et de civilisation qui s'avance, leur territoire rétrécir de plus en plus, et bien souvent dans le sang ; une veine documentaire, puisque l'action principale se déroule durant une série d'émeutes de ces mêmes Mig'maq concernant leur droit de pêche au saumon ; et une veine "roman noir", puisque par-dessus tout ça nous est racontée une histoire de kidnapping de jeunes Indiennes par de riches Blancs, vilains agissements qu'un ancien flic va combattre à coups de hache et de 4x4 balancés dans des villas. Très concis, Taqawan avance ainsi, variant les angles, les tons, les thèmes, pour donner une image crédible du sort indien dans le Québec des années 80. Alternant chapitres historiques et chapitres dans le présent, s'arrêtant parfois le temps d'une page pour nous parler de la reproduction du saumon, pour mieux revenir ensuite aux aventures de Leclerc aux prises avec les nantis, Plamondon arrive à parler avec pertinence des difficultés éternelles de compréhension entre "native", estimant que la terre est à tout le monde, et "conquérants", contraints d'appliquer des lois restrictives par bon sens. Pourvu d'un réel amour pour ce peuple des origines, tourmenté par la nécessaire avancée du progrès, le roman respire l'humanité, surtout dans les chapitres documentaires qui décrivent une vie passée marquée par la spoliation et l'injustice. Il se fait de ce fait joyeusement politique également, et les insertions d'extraits de discours du président de l'époque sont gentiment perfides.

A force de chasser tous ces lièvres à la fois, c'est vrai que certains aspects sont moins creusés que d'autres. La partie noire est malheureusement sacrifiée au profit du documentaire, et n'est pas très crédible : la faute à des personnages mal définis, peu aimables, oubliés en cours de route et dont les actions semblent sans importance au milieu du marasme politique. Difficile, sur 200 pages, de faire le tour de la question, et peut-être Plamondon aurait dû renoncer à son polar pour se concentrer sur ces belles pages qui décrivent l'histoire, les légendes, les faits et gestes de ces Indiens. Il a voulu faire son Harrison, alors que sa veine est de toute évidence plus melvilienne. Mais ce livre est passionnant par bien des aspects, très humain, très noble, et on oubliera ces quelques carences pour ne garder que l'essentiel : apprendre à piéger un ours il y a 100 ans.

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