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28 janvier 2018

LIVRE : Comme des Rats morts (Holtverseny) de Benedek Totth - 2014

imagesPremier roman brûlant de fièvre pour le hongrois Benedek Totth, qui vous balance à la gueule une histoire noirissime à vous faire faire des cauchemars. Le gars raconte l'état d'une certaine jeunesse désoeuvrée, aux sentiments délabrés et à la morale en lambeaux, sous la forme d'une petite chronique des jours ordinaires : un groupe de lycéens représentant une génération partie à vau-l'eau, que l'auteur dessine avec un mélange d'effroi et de pessimisme qui fait froid dans le dos. Ces p'tits jeunes occupent leurs journées désoeuvrées en vadrouille allumées dans des bagnoles volées à papa, se faisant sucer sans émotion par des nanas aux noms interchangeables (Vicky = Nicky = Tricky), complètement survoltés par les mélanges de pillules anonymes qu'ils s'envoient derrière la cravate, se balançant mollement des insultes, quand ils ne se mettent pas sur la gueule. Le roman s'ouvre sur un assassinat, les gars renversant et tuant un cycliste sur la route : complètement indifférents, ne sachant même pas trop s'ils ont tué un sanglier ou un homme, ils continuent leur vie comme ils l'avaient commencée (mal). Mais cet acte va être en quelque sorte le déclencheur d'une forme de violence de plus en plus incontrôlée qui les mènera vers le dernier chapitre, brutal et terrible. Une sorte de spirale irréfrénée, accomplie dans l'hébétude et l'indifférence, l'inconscience de leurs actes étant décrite minutieusement par un auteur bien amer. Après L'Eté des Charognes, après Fief, Comme des Rats morts arrive tel un pavé dans la mare, nouveau témoin encore plus effrayant  d'une jeunesse définitivement perdue dans une représentation faussée des rapports humains, du sexe, de la violence, en perte de repères, livrée à une société qui ne contrôle plus aucun des messages qu'elle leur envoie. Les actions du narrateur, à la rigueur le plus équilibré de cete bande de punks de 15 ans, n'obéissent à aucune émotion, aucune réflexion : il pisse dans la piscine comme il baise une enfant de 13 ans, sans aucune distinction. Sa vie est entièrement régie par la loi du plus fort, par la recherche d'une émotion forte jamais atteinte ; et ses camarades sont tout aussi perdus.

Totth raconte tout ça à la première personne, dans un style parlé et "flow-té" parfait (très belle traduction), nous plongeant dans la tête d'un ado qui ne ressentirait plus rien. Son personnage est fort et subtilement écrit : pas facile d'exprimer cette indifférence au monde tout en rendant le gamin passionnant, montrer ses actes terribles tout en nous les faisant ressentir de l'intérieur. Totth lui ménage toutefois une porte de sortie sous la forme de son intérêt pour la natation, et les compétitions sont peut-être les seuls moments où nos anti-héros trouvent un peu de sens à leur vie. A part ça, le roman est noir par quelque bout qu'on le prenne, et on en sort avec l'impression qu'une génération est en train d'être sacrifiée, en Hongrie comme ailleurs. Le pire est que ça et là, le bouquin est assez drôle, les protagonistes restant des gamins parfois ridicules, certaines situations étant suffisamment pathétiques pour déclencher un rictus. Pourtant jamais cynique, ce bouquin vous laisse une impression terrible, et on ne s'étonne plus que Totth ait traduit sans sa langue Easton Ellis ou Hunter Thompson.

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