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22 janvier 2018

La Vengeance de l'Indien (Reprisal !) de George Sherman - 1956

Il est tellement rare de découvrir des scénarios impeccables dans la vaste jungle des westerns, surtout de série B, qu'on ne peut que saluer avec force trompettes celui de Reprisal ! Une grande partie du plaisir qu'on prend à la vision de ce petit film est dû à l'écriture de la chose, subtile, digne, et à la façon dont les auteurs ont rempli jusqu'au bord ces 70 minutes tout en parvenant à dire des choses très justes. Si vous cherchez des westerns pro-Indiens, vous avez trouvé votre film : Frank Madden est un cow-boy anonyme débarquant dans une petite ville pour y prendre possession du ranch qu'il a acheté. Il tombe sur une communauté infernale, xénophobe et brutale, qui traite les Indiens comme de la chair à canon (ou de la chair tout court), qui se permet de les exécuter sans façon avant d'acquitter les coupables dans des procès perdus d'avance. Cette communauté est notamment menée par les trois frères Shipley (impeccable trio de salopards, tous différents et constituant le racisme et la frustration incarnés), qui vont prendre Madden en grippe, à cause peut-être de sa neutralité concernant ses voisins peaux-rouges et de sa volonté de cloturer ses terres jusqu'alors exploitées sans vergogne par eux. Ça se complique encore quand un des frères tombe raide dingue d'une jeune squaw, et qu'on apprend que Madden est en fait lui-même d'origine indienne : une symphonie de déni qui va mettre le feu aux poudres. Ajoutez à cela un Indien avide de vengeance après qu'on ait pendu sa femme, et une jeune première (hitchockienne Felicia Farr) qui fond pour notre héros, et vous obtenez une solide histoire complexe d'identités, de reniement de ses racines, qui pourrait figurer en tête des oeuvres anti-racistes à faire regarder aux jeunes Américains.

Les personnages, d'un côté et de l'autre de la barrière politique, sont passionnants, épais, et Sherman fait de son film d'action une très jolie oeuvre où la psychologie tient une place très importante. Le héros, notamment, est un bloc de frustrations, membre d'une communauté qu'il rejette parce qu'elle est rejetée. Presque antipathique pendant près de la moitié du film, il devient bon par défaut, parce qu'il est attaqué et presque lynché par la foule. Celle-ci est merveilleusement décrite et montre une vision de la société noirissime : le début, avec ce procès absurde et la fête avinée qui s'en suit, est d'une cruauté totale, et malgré quelques personnages un peu plus modérés, on sent que l'Amérique de cette époque a encore bien du boulot à faire pour vivre en paix avec les Indiens. Dans une direction d'acteurs impeccable (nuance dans les méchants, héros complexe parfaitement interprété par le mannequin Guy Madison, gorette de service tourmentée, seconds rôles raffinés), le film apparait comme courageux, digne, portant un message pas très simple pour l'époque. La mise en scène de Sherman est au diapason : très beau déplacement de caméra acrobatique (et pour le coup hyper hitchcockien) sur les deux visages quand le couple principal découvre son amour sans se le dire, magnifique utilisation de la profondeur de champ lors du duel (manqué) entre  Madden et un des frères Shipley, rythme impeccable de la séquence de saccage du village indien, tension très bien tenue lors de la scène du lynchage, c'est que du bonheur. Un très beau western, modeste mais les deux pieds de la révolte bien plantés dans le sol de l'Oklahoma.

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