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8 janvier 2018

Public Housing de Frederick Wiseman - 1997

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Radiographie de la misère sociale et de la grandeur de l'Amérique à travers un quartier pauvre de Chicago, en proie au chômage, au désoeuvrement et à la drogue. Wiseman ne change rien à ses méthodes et s'enfonce façon espion dans cette communauté soudée par une certaine idée de la solidarité, et en même temps abandonnée par les institutions. Il en rapporte un docu très complet, qui s'intéresse aussi bien aux impasses qu'aux espoirs de ces gens, pour le pire ou pour le meilleur. On reste fasciné par ces longues séquences filmées très simplement, où la parole, parfois creuse, parfois inutile, mais toujours pleine d'espoir, circule entre les êtres : réunions de citoyens décidés à faire quelque chose pour la cité, exposés sur l'utilisation des contraceptifs dans une ambiance saturée de cris de bébés, conférences d'assistantes sociales cherchant à prouver que le fric dépensé pour la coiffure compliquée d'une jeune femme aurait pu servir à remplir son frigo, rencontre desespérée entre un dealer et son tuteur pour trouver une cure de désintox : Wiseman n'a pas son pareil pour capter ainsi des moments de vie passionnants et pour, sans comentaire, sans jugement, "objectivement", mettre à jour à la fois une espérance et un échec. On sent dans cette communauté noire une entraide constante (qui va d'alleurs avec un communautarisme très profond) et en même temps un ras-le-bol, le tout formant une société. Politique sans aucune forme de prosélytisme, Public Housing raconte une politique américaine incompétente, une police réagissant au jour le jour, des citoyens pleins de grandes idées mais incapables de passer à l'acte, un monde binaire basé sur le succès ou la ruine (le discours ambigu et libéral de la star de basket en visite dans le quartier, qui ne réagit qu'au culte de l'argent et de la réussite) et les ravages du désoeuvrement, du manque de blé, de la drogue.

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Le film est pourtant plein de scènes de vie très attachantes, rarement Wiseman a su comme ici planter sa caméra dehors et filmer le quotidien tout simple. En particulier celui de ces enfants, filmés en train de danser, de jouer, de rigoler, véritable groupe dans le groupe ; mais aussi celui des gens, jardinant, discutant, se livrant aux mille petits trafics plus ou moins légaux qui font tenir leur vie. On voit, à travers des séquences à l'école ou au planning familial, à travers des personnages forts comme cette "gérante" de quartier à moitié mafieuse ou cet exterminateur de nuisibles, les vertus de la lutte, de l'éducation, de l'écoute. Mais ce qui ressort, c'est le renoncement, comme dans ce formidable dialogue entre un flic et un gars forcé de fuir devant une bande qui voulait lui faire payer ses dettes, vrai moment poignant où on sent l'incapacité du premier à aider le second, si ce n'est par la parole et le réconfort. On ne sait alors si Wiseman est optimiste ou pessimiste face à ce qu'il filme, et c'est peut-être là la force du film : nous laisser face à un constat, et nous permettre de le lire comme on veut. Une sorte de portrait complet, si on veut, des tenants et des aboutissants d'un quartier noir misérable dans la société américaine contemporaine. Toujours aussi attentif, toujours aussi impeccable pour saisir des instants, toujours aussi attentif aux longueurs de ses séquences pour arriver à en extirper la quintessence, Wiseman réussit un film digne, fort, engagé et génial.

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