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29 décembre 2017

LIVRE : L'Or de Blaise Cendrars - 1925

9782070363315, 0-622970Encore une lecture de jeunesse déterrée en ces temps de Noël propices à la nostalgie. Je ne me souvenais pas d'une telle rapidité de style dans ce roman, qui brasse pourtant des années et trace toute la vie d'un homme. Avec un sens de la formule qui l'honore, avec un goût pour la publicité et l'auto-promotion qu'on retrouve d'ailleurs dans les documents autour du roman en Pleiade, Cendrars nous prévient : il va nous raconter l'existence d'un homme ruiné parce qu'il a découvert de l'or. Voici donc le général Johann August Suter, brave Suisse ambitieux qui se met en tête de conquérir les territoires inexplorés de la Californie. La première partie nous raconte son périple extraordinaire à travers les terres sauvages de l'Ouest, et on a l'impression de rentrer dans un western historique. L'odyssée de Suter a tout d'un film de Herzog, avec ses milliers de Canaques déplacés à travers les marécages, les déserts et les océans, avec ces villes qui se construisent en quelques semaines à partir de rien, avec ce personnage armé d'une conviction et d'une ambition qui virent à la folie. Très enthousiaste face à cette ascension extraordinaire, Cendrars la raconte en phrases brèves, chargées d'une espèce de lyrisme à hauteur d'homme qui a fait la grandeur de ses longs poèmes exotiques ("Le Panama" par exemple) : il reste toujours dans l'humain, c'est sa matière, mais transcende celui-ci par une histoire bigger than life, qu'il décrit par très courts chapitres, en racontant seulement quelques détails, quelques moments clé de la vie de Suter. Le roman fait office de narration historique, mais on sent que Cendrars y ajoute du glamour et du fun, pour le simple plaisir du lecteur.

Mais bientôt, sur les terres immenses de Suter, arrive une malédiction : on découvre de l'or dans les rivières, et bientôt le filon devient de plus en plus important. La rumeur circule et gonfle, et voilà des millions de gens qui débarquent sur les terres du bougre à la recherche de la fortune. On le spolie de ses terres, on saccage ses biens, on lui vole son bétail, ses associés le quittent, et notre ancien héros de devenir peu à peu le plus misérable des hommes. Là aussi, il y a une certaine fascination de la part de Cendrars à raconter la chute, à montrer l'injustice flagrante faite à cet homme, à transformer son récit en plaidoyer pour la réhabilitation du pionnier que fut Sutter. Les phrases se font plus rudes. Parfois de simples annotations, un seul mot suffisent pour raconter des années de misère. La simplicité et la rapidité de l'écriture touchent tout droit dans leur sujet. Inutile d'en rajouter : Cendrars fait mine de raconter ça sans fioritures, tout droit, mais ce style très nerveux rend d'autant plus terrible la décadence de son héros. Les derniers chapitres, qui traitent de la fin de Sutter, et de son combat perdu d'avance pour récupérer son bien, ou au moins obtenir un peu de reconnaissance, sont pathétiques. Cendrars y touche au plus près à l'humaine condition, faite de grandeur et de misère presque comique. Au final, un roman exécuté dans un rythme parfait, qui raconte une histoire passionnante, et la quintessence du style Cendrars.

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