La Femme en Question (The Woman in Question) (1950) d'Anthony Asquith
Un soupçon de Rashomon, une pincée d'Agatha Christie, une sauce anglaise et une actrice à facettes (Jean Kent... ouais), voilà les divers ingrédients de cette enquête ; l'inspecteur Duncan Macrae mène l'enquête et interroge tout le petit monde qui côtoyait Jean - celle-ci a été retrouvée étranglée avec sa propre écharpe : une femme de ménage qui n'a pas sa langue dans sa poche, une sœur perfide, un artiste louche (Dirk Bogarde, tout jeunot tout beau), un marin bourrin (l'Australien John McCallum), un voisin pépère (Charles Victor as Albert Pollard). Chacun a sa propre version de la dame, ce qui permet à Jean Kent de montrer toute l'étendue de son répertoire : femme fatale, prolo alcoolo, mémère sur le retour, troublante Mme Irma (un rôle sur mesure pour une comédienne - dommage qu'elle soit parfois guère convaincante (on ne peut pas dire notamment qu'elle ne force pas le trait pour jouer la beauf violente : on y croit malheureusement pas beaucoup)). Bref. Chacun avait donc ses petits problèmes avec la donzelle (elle flirtait, la bougresse, sous ses allures plus ou moins vieillottes) et comme l'amour est la meilleure raison pour assassiner son prochain, tout le monde se retrouve suspecté (mais c'est toujours celui qu'on soupçonne le moins de toute façon ! Oui, ben c'est pas une raison pour tout spoiler non plus).
On est dans la tradition anglaise du "film à dialogues avec personnages solidement incarnés" (la jolie pipelette de soeur, le toujours troublant et charmeur Bogarde, le marin brut de décoffrage avec un petit coeur, le veuf à moustache bon comme du bon pain) et l'on enquille ces différents flashes-back en appréciant plus ou moins les transformations de Jean Kent (le problème, c'est que les visions sont tellement différentes qu'on peine à y trouver une quelconque véracité - que chacun ait sa vision d'une personne ok, mais que certains en parlent comme s'il s'agissait de Claire Chazal et d'autres de Miley Cyrus, voyez, il y a un fossé). Ça lambine un brin et on s'attend à tout moment à une révélation du perroquet de Jean (et ça manque pas : tu mets un perroquet sur le lieu d'un crime, pour sûr qu'il jouera un rôle central). Le couperet tombe dans les cinq dernières minutes sur le meurtrier (tu vois, je te l'avais dit, dès que je l'ai vu) qui ne cherche même pas à nier (l'amour rend fou, c'est ça). Bon, un dispositif narratif plus ou moins original pour un "Mystery" ni vraiment trépidant ni réellement mystérieux. A déguster avec modération à l'heure du thé avec de vieilles langues de chat.