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2 octobre 2017

On connaît la Chanson d'Alain Resnais - 1997

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Voilà une petite sucrerie qu'il est très agréable de se repasser tous les 10 ans, histoire de vérifier que ce vieux briscard de Resnais a su, à une époque, faire le pont entre ses expérimentations du début et des clins d'oeil au cinéma populaire d'aujourd'hui. On connaît la Chanson est un petit essai sans immense ambition, mais il touche secrètement, simplement, directement. Comme les chansons de variété qu'il utilise, le film sait faire vibrer notre corde sentimentale la plus enfouie, quitte à verser parfois dans la sentimentalité ou la facilité. Il n'a en tous cas pas peur des sentiments, des plus légers aux plus sombres, et du coup représente la part la plus joueuse et la plus légère de son auteur : un gamin qui, à 75 ans passés, sait encore tenter des choses et s'en amuser, ça force le respect.

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Le film, comme souvent chez Resnais, emprunte des conventions théâtrales, et cette fois dans le genre le plus populaire : le vaudeville, voire le théâtre de boulevard ou le drame bourgeois. Le scénario de Jaoui/Bacri, très littéraire, très dialogué, multiplie les quiproquos, les coups de théâtre, les infidélités et les portes qui claquent, jouant sur les codes du trio mari-femme-amant, déployant toute la panoplie des amoureux secrets et des amantes bafouées. On retrouve avec délice la troupe habituelle, Azema, Dussolier, Arditi, Wilson, dans des rôles archétypaux qu'ils endossent avec visiblement beaucoup de plaisir. Le duo Bacri-Jaoui apporte un contrepoint plus moderne, fait rentrer le film dans la catégorie du théâtre de boulevard contemporain, mais on reste dans la pure convention de genre. Resnais plonge pourtant ce genre léger dans une matière plus sombre : il est beaucoup question dans le film de dépression, d'échecs, de renoncements, de ruptures, et on est immergé plus souvent qu'à notre tour dans des ambiances beaucoup plus sérieuses (le personnage d'Arditi, magnifiquement en retrait, comme ignoré de tout le reste de la bande, est peut-être le plus touchant de ce point de vue). Mais malgré tout, on reste dans le tout petit, dans le charmant, y compris dans les jeux de mots idiots et les situations minuscules qui "font la vie de tous les jours", comme dit l'autre. Le grand talent de Resnais, c'est d'arriver à rendre ce monde très artificiel totalement crédible et émouvant. Au détour d'une scène, d'un dialogue, la légèreté vrille légèrement, que ce soit dans la très belle scène de rupture de Jane Birkin et Bacri, dans la discrétion feutrée de Dussolier ou dans l'espèce de hargne dépressive déployée par le magnifique Lambert Wilson. C'est par petites touches que Resnais introduit le sentiment dans son dispositif très "faux", très carton pâte. Tout fait théâtre, des beaux décors bourgeois aux dialogues à l'ancienne, et pourtant l'émotion surgit à plein d'endroits.

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C'est dû aussi, bien sûr, à ces chansons qui viennent régulièrement "sous-titrer" les personnages, traitées directement comme des vecteurs d'émotions. Quand un personnage n'arrive pas à dire les choses, une chanson vient aussitôt le suppléer. Comme si Resnais considérait que les émotions comme les chansons de variété jouaient sur un socle commun de la psyché contemporaine française, voyez-vous ? Ces petites ritournelles à la con, la plupart du temps tirées des plus populaires bandes de Radio-Nostalgie, jouent le rôle de contrepoint, ou de parenthèse, ou de soutien aux pensées des personnages. Le fait de les avoir montées simplement, sans effet, ajoute une universalité aux personnages. Une femme peut "chanter" avec une voix d'homme, il y a des duos, des scènes de groupe, voire des chansons reprises directement par son interprète original (Birkin). A chaque situation, joyeuse ou triste, correspond un titre : c'est la culture commune à tous les spectateurs, et Resnais travaille avec une infinie délicatesse sur ces effets de reconnaissance, de références. La longue scène-climax du film, une crémaillère qui réunit tous les personnages, montée avec génie, fait culminer tous les sentiments retenus jusqu'alors (belle symbolique inquiétante des méduses qui viennent ponctuer les plans), et c'est alors un festival de scènes tour à tour poilantes et ravageuses. Finalement, On connaît la Chanson est moins innocent et futile qu'il en a l'air. Une expérimentation populaire : que demande le peuple ?

Commentaires
L
Ouais. Et aussi , y avait Maritie et Gilbert Carpentier qui faisaient ça. T'avais des ch'tites saynètes et ça chantait les tubes de l'époque adaptés aux dites saynètes.<br /> <br /> Mais bon, c'était de la téloche. <br /> <br /> Au cinéma, par Resnais de surcroît, là où on aurait attendu un Philippe Clair ou un Gérard Oury, c'est dramatique. <br /> <br /> <br /> <br /> "Cucul", t'es gentil, Faux. Ce film, c'est simplement n'importe quoi. <br /> <br /> <br /> <br /> Le film dont tu causes, c'est le truc avec Steve Martin ? Mais ça non plus, ce n'était pas bon du tout. Et même c'était carrément poussif, ça lorgnait vers Chantons sous la pluie (et autres), version abyssalement sinistre... Pfffff. <br /> <br /> <br /> <br /> Le principe de chanter des tubes plaqués sur des situations, c'est quand totalement même crétin, comme idée.
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C
J'avais trouvé ça trop cucul mais je réessaierai sans doute dans dix ans... Les chansons populaires pour dire les sentiments est directement pompé de Dennis Potter, non ? Notamment de sa série Pennies from Heaven (1978) et du film Tout l'or du ciel (1981). Heureusement pour Resnais que Potter n'est pas célèbre en France...
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