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30 septembre 2017

Le Redoutable de Michel Hazanavicius - 2017

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Il est toujours bon de s'attaquer aux statues du Commandeur ; et il est de plus utile de rappeler que JLG est un être faillible, parfois ridicule, flou politiquement, bref un mec qui fait des jeux de mots idiots, se gratte les fesses et pique des crises de jalousie comme tout le monde. Mais le faire comme le fait Hazanavicius, en donnant des petits coups de poing dans le biceps, en attaquant comme un roquet au niveau des mollets, non. Son tout petit film est à la hauteur du minable roman de Wiazemski dont il est l'adaptation : petit-bras, vain, inutile, jaloux et sans envergure. Le gars s'attaque donc à la période la plus difficile de Godard, ces quelques mois où, complètement déboussolé par mai 68 et sa découverte du maoisme, il va renier ses films précédents, tenter de réaliser des films révolutionnaires, et perdre peu à peu tout son public, ses soutiens, ses amis et pour finir sa maîtresse. En gros, le moment où JLG est faible, mal-aimable, pathétique. Certes, Hazanavicius fait bien quelques rappels vers la grande époque de Godard, vers ses films avec Belmondo et Karina, de toute évidence très fan de cette première période au point d'en copier quelques effets de mise en scène ; mais son film reste braqué sur ces jours sombres où le maître perd pied. Et c'est bien là qu'on peut douter un peu de son projet : c'est comme si on faisait un portrait de Beethoven quand il a la diarrhée ou de Shakespeare quand il mange des pieds de cochon en s'en foutant partout.

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Voici donc un portrait à charge du Godard des années 68, un cinéaste colérique, de mauvaise foi, de plus en plus isolé, qui se heurte à la complexité du contexte politique de l'époque, qui voudrait bien avoir l'air du Che et faire oublier son statut de petit-bourgeois, en pleine crise de création aussi. Période que Hazanavicius regarde avec une méchante ironie (alors qu'il y a aussi des bons films dans cette période, mais passons). Il engage le gars Louis Garrel, qui a dû imiter Godard lors d'une soirée avinée, et qui en fait des tonnes dans un numéro fatigant de moquerie. Des lunettes (cassées lors de gags lourdement récurrents), un zozotement, et le tour est joué. Autour de lui, les faire-valoir qu'on lui octroie s'agitent pour rendre tout ça crédible, à commencer par la belle mais inconsistante Stacy Martin. Parfois, c'est vrai, ça marche. Parce que Hazanavicius refuse de filmer de la star à tout prix : pas de Belmondo, pas de Coutard, pas de Bardot dans le film, mais uniquement une armada de révolutionnaires plus ou moins convaincus, et un couple qui représente le public lambda (Micha Lescot et Bérénice Béjo). Parce que aussi le gars sait écrire des scènes parfois marrantes (le retour en voiture du festival de Cannes), et a le sens du dialogue qui fuse : les jeux de mots à la con de JLG, son humour de collégien sont bien rendus, et on perçoit par instant un vrai désir de témoigner de l'humour du maître, de déboulonner un peu la sacro-sainte statue solennelle par le plaisir. Hazanavicius recopie les tics de mise en scène et les petites figures de style de Godard, génériques colorés et mathématiques, sous-titres qui contredisent les dialogues, cuts, travail sur la pellicule, etc., mais sans vraie nécessité, uniquement pour que le godardophile (débutant, quand même) puisse se la jouer cinéphile. Rien sur le vrai sens du travail de Godard, rien sur son génie, rien sur ce qu'il a réellement inventé. Rien que des signes extérieurs de style.

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Comme le livre de Wiazemski, qui alignait la liste des sous-pulls de Godard sans jamais parler de l'artiste lui-même, il y a quelque chose de gênant dans le film, une sorte d'attaque inutile, un peu vengeresse. On passe deux heures devant un film dont on se demande bien pourquoi il a été fait, dans quel but. Godard en ressort gentiment sympathique mais aussi un peu malsain, déplaisant. S'il ne s'agissait que de dire cela, on doute que toute une équipe, plus des producteurs, plus des acteurs aient signé. Alors ? On retournera donc aux films de JLG, dont la moindre image est mille fois plus nécessaire que tout ce film anecdotique et vide.

Commentaires
C
C'est fou comme Hazanavicius est toujours à la traîne d'un genre à parodier, d'un ou plusieurs films à pomper, d'un réalisateur à imiter... Je le boycotte depuis l'infâme "The Artist".
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J
"Et c'est bien là qu'on peut douter un peu de son projet : c'est comme si on faisait un portrait de Beethoven quand il a la diarrhée ou de Shakespeare quand il mange des pieds de cochon en s'en foutant partout." <br /> <br /> Ha, ah, ha, excellent !
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W
Anna... ! Ha ! Ha ! Joli lapsus. <br /> <br /> Ann-E, bien sûr
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W
Anna Wiazemsky n'était pas que la maîtresse. <br /> <br /> Etait aussi l'épouse.
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M
Le succès rapide / après le succès rapide/ les bides après le succèsrapide/ partager sa vie avec une actrice/ etc etc... Ma théorie, c'est que ç'a a plutôt furieusement l'air d'un autoportrait. D'où, sans doute, le manque d'indulgence. Encore que. Ce Godard n'est pas antipathique. Juste chiant. Ce qu'il doit vraiment être. <br /> <br /> <br /> <br /> Hazanavicius est d'abord un styliste. Ne sont pas nombreux en France. Reconnaissons-lui le mérite des recherches de ce côté-là. <br /> <br /> <br /> <br /> Après, surtout, il faudrait qu'il cesse d'écrire lui-même ses scénarios. Ce n'est vraiment pas son truc. <br /> <br /> <br /> <br /> PS : un artiste, ça peut avoir des problèmes de sous-pulls. Ce n'est pas forcément inintéressant. Regarde, Proust, ses inhalations, ses cache-nez, ses croissants...
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