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10 mai 2017

LIVRE : Le Jeu du chat et de la souris (Xiànzài wǒ gāi zěnme bàn) de A Yi - 2015

9782234079038,0-4027550Un premier roman attrapé au hasard dans les rayons, et me voilà pris dans le filet de cette écriture faussement froide et de cette trame glaçante. A Yi écrit ni plus ni moins que son Etranger à lui, et sur les traces de Camus ainsi que sur celles de Dostoievski, réussit une brillante variation sur la culpabilité et le remords. C'est l'histoire d'un garçon qui tue une fille. Comment ? ça, ça va nous être raconté par le menu dans cette écriture behavioriste qui dissèque heure par heure l'acte, la fuite puis la reddition du bonhomme. Pourquoi ? c'est là que le bât blesse : ce meurtre est sans raison. Ni psychologique (et béni soit A Yi, qui évite toute tentation à l'explication psy), ni factuelle (pas de jalousie, pas d'obsession, pas de haine). Juste un gars qui tue, de 37 coups de couteau quand même, une jeune fille, en ayant prémédité son coup ; puis qui passe quelques jours à fuir sans conviction la police ; puis qui se rend et assiste en spectateur à son jugement. Dans cette Chine moderne, décrite par la bande par ce roman qui ne tombe jamais, là non plus, dans l'explication politique ou le symbolisme à la con, cet adolescent est comme déréalisé, comme absent, et les interlocuteurs qui vont tenter de comprendre les raisons de son acte en seront pour leurs frais. On sent tout le poids d'une certaine modernité dans ce livre glacial, un peu comme si Haneke avait fait un petit tour à Pekin et en avait ramené un roman. Mine de rien, en se plaçant du côté de son personnage, en en faisant même le narrateur, A Yi nous le fait aimer, ou en tout cas nous fait éprouver une certaien empathie pour lui. C'est toute la force de la chose : si Dostoievski prenait la misère de Raskolnikov comme alibi, si Camus accusait le soleil pour expliquer Meursault, A Yi nous renvoie à l'opacité de son personnage, à ce mur, et nous fait apprécier son inconscience. On rigole à ses côtés aux impuissances de l'armée de psys convoqués, aux méthodes surfaites des policiers, aux manoeuvres financières des avocats pour lui faire écoper d'une peine moins lourde, au malheur de sa mère qui butte contre l'incompréhension. Et on est aussi peu surpris que lui de son sort. Violent parce que privé totalement de toute explication (et donc de toute porte de sortie), le roman est complètement moderne et dérangeant. L'écriture est de plus d'une parfaite fluidité, comme une aventure qu'on suivrait tranquillement ; la seule différence, c'est que cette aventure est morbide. Fascinant.

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